Cathy, la présidente de Libre Cueillette, a été sollicitée à deux reprises pour des interviews sur son action et l’association. La première fois, ce fut pendant le premier confinement. Yves UGALDE, de l’agence C.TOUT.COM, souhaitait rédiger un article pour le magazine Le Grain Defoly de l’agence immobilière Gilles Defoly à la rubrique « Gens d’exception ». Il fut publié en septembre 2020.
En voici la teneur : Cathy Constant-Elissagaray – Présidente de l’Association « Libre Cueillette » – De l’observation de la nature à l’action.
Auteur d’un blog depuis 20 ans, elle a aussi fait partie des « Tontons baigneurs » d’Anglet. Le Grain vous propose de mieux comprendre les motivations de cette passionnée de Nature. Elle tient au N majuscule.
Dans quelles conditions avez-vous créé votre association en novembre 2016 ? En décembre 2015, j’ai vu le film « Demain » (Cyril Dion et Mélanie Laurent) qui relatait une expérience enthousiasmante, celle des Incroyables Comestibles à Todmorden (G.B.). Cela m’a aussitôt donné l’envie d’en créer une antenne sur Anglet. Je me passionne pour la Nature que j’observe et photographie en randonnant localement et plus loin. J’ai publié un livre, Parcours naturalistes en Pays basque (Editions Astobelarra), ainsi qu’un CD-Rom Anim’Lune pour la Société d’Astronomie Populaire de la Côte Basque. En outre, j’ai l’expérience d’un atelier UTLA (Université du Temps Libre d’Anglet) Jardinage et botanique que j’ai initié avec une animatrice botaniste en octobre 2013 et qui se poursuit actuellement avec une horticultrice.
Objectifs majeurs de « Libre Cueillette » ? Consciente que, pour bien des citadins, la Nature est un concept abstrait, j’ai pensé que son approche collective en jardins partagés pouvait la rendre plus accessible. Cette activité de loisir à l’air libre, en terrain neutre, à la fois ludique et gourmande, est aussi un moyen sympathique d’apaiser les tensions et de créer du lien social et inter générationnel. Jardiner, c’est s’inscrire dans le temps long du semis de la graine à la récolte du fruit, de la feuille ou de la racine. C’est aussi rire aux éclats, plonger les mains avec délice dans la terre, bricoler, échanger des recettes, de cuisine, mais également de médication naturelle, comprendre le pouvoir des plantes, le danger qu’elles peuvent éventuellement présenter, un bienfait en petite quantité, un risque d’empoisonnement si on en prend trop. Enfin, c’est inspirer le désir d’une vie plus saine, d’une meilleure alimentation, mais également d’un environnement plus sain : qui souhaite récolter des salades, tomates ou framboises, polluées par les gaz d’échappement des voitures ?
Quelles sont les deux ou trois réalisations dont vous soyez la plus fière ? Durant l’année scolaire 2016-2017, le lycée Cantau a fait appel à Libre Cueillette pour rendre plus concrète la notion de développement durable. Ces élèves et étudiants, qui ne se destinent aucunement à l’agriculture, ont ainsi semé des légumes, créé une spirale d’aromatiques, installé des planches de culture, conçu et fabriqué des bacs en bois. Cette action de sensibilisation a amené les CAP Menuiserie à établir pour la première fois des contacts et à collaborer avec les BTS Design d’espace. Ces apprentis et étudiants se sont également passionnés pour le parcours original de Cédric, l’animateur de Libre Cueillette: chantiers participatifs, woofing, et création de ferme en permaculture à Tenerife. Avec Sonia qui a pris sa suite, deux jardins « suspendus » ont été créés à partir de juin 2017 à la résidence des Terrasses de l’Avenue et un jardin au milieu d’une prairie à la résidence Lespès d’Anglet, grâce à la confiance accordée à l’association par le COL (Comité Ouvrier du Logement) d’une part, et par le service jeunesse de la mairie d’Anglet et l’Office 64 d’autre part. Ces trois jardins sont devenus autonomes en juin 2019.
En octobre 2020, c’est Jeanne Busson qui prend contact pour une interview à diffuser sur Radio Lapurdi. Depuis le 5 octobre dernier sa nouvelle émission intitulée « Laudato si’ écologie intégrale au coeur du pays basque » a pour objectif de faire comprendre la portée de l’encyclique écologique du pape de 2015 (Laudato si’ lettre encyclique sur la sauvegarde de notre maison commune) et d’observer son impact sur le territoire. Elle fait référence aux termes du pape François selon lequel « la Terre est emplie de beautés et de merveilles, mais qu’elle n’a jamais été aussi mal traitée ou négligée qu’au cours des deux derniers siècles« . L’interview peut être écoutée en deux podcasts sur le site de Radio Lapurdi, podcast 11 et podcast 12.
La jeune journaliste est très motivée. Elle profite du lancement d’une nouvelle rubrique dédiée à l’écologie sur la revue diocésaine mensuelle « Notre Église » pour publier une retranscription écrite de ses interviews dont elle sélectionne des extraits. Pour la première édition de janvier, elle a choisi Libre Cueillette « car l’interview est très riche et ce ne sont pas forcément les mêmes personnes qui écoutent la radio et qui lisent la revue. Cela permet d’avoir une meilleure visibilité. » Voici le texte intégral des réponses à ses questions que j’avais préparé en vue de l’interview.
Bonjour, Pouvez-vous vous présenter svp ?
Bonjour, Je m’appelle Cathy Constant-Elissagaray. Depuis toujours, je m’intéresse à la nature. J’ai appris à mieux la connaître en randonnant, d’abord en famille, puis avec des amis, et enfin en sorties de groupe avec un guide naturaliste. Parallèlement, je fais partie depuis plus de vingt ans de la société d’astronomie populaire de la côte basque, ce qui est une autre façon de s’intéresser à la nature, en comprenant mieux l’originalité de la Terre porteuse de vie, minuscule planète au sein d’un univers immense.
Vous êtes l’auteure de l’ouvrage « Parcours naturalistes en Pays Basque » – c’est une mine d’informations sur la faune et la flore locale et d’autres sciences naturelles. Comment est née l’idée d’écrire ce livre ?
C’est lors d’une randonnée littéraire organisée par la librairie de la rue en pente de Bayonne que j’ai eu l’occasion de rencontrer un éditeur. J’écrivais déjà depuis plus de quinze ans des récits de balades et de voyages agrémentés de photos, ainsi que des documentaires sur divers sujets. J’avais été pendant 7 ans correspondante pour le journal Sud-Ouest et je souhaitais avoir l’avis d’un éditeur sur la qualité de mon écriture et savoir si mes textes pouvaient intéresser un cercle plus large de personnes. C’était une sorte de défi que je me proposais.
Pouvez-vous nous partager quelques extraits de cet ouvrage ?
Le premier chapitre est consacré à un personnage exceptionnel, Jean-François Terrasse, ancien membre du WWF, ardent défenseur des rapaces, qui a tourné des films, rédigé beaucoup de livres et d’articles. Mais on ne trouvera nulle part ailleurs que dans mon livre l’histoire de son aménagement d’un petit vallon d’Arcangues, Errota Handia, qu’il a transformé en réserve naturelle. J’ai réuni l’ensemble des articles que j’avais publié à ce sujet dans le journal Sud-Ouest, sur mon site Internet et dans mes notes.
Dans un autre chapitre, j’ai relaté une randonnée au pic d’Anie guidée par Dimitri Marguerat, qui travaillait alors pour le CPIE Pays basque. C’était à la fois sportif et très instructif sur la flore et la faune qui colonisent ce milieu calcaire et montagnard aux conditions très rudes. J’en ai gardé un souvenir inoubliable.
Je parle encore des cromlechs de la nécropole pyrénéenne d’Occabé visitée avec Claude Labat, professeur à la retraite, passionné de mythologie basque et pyrénéenne, membre fondateur de l’association Lauburu. Enfin, un récit plus poétique évoque le brame du cerf dans les forêts profondes d’Iraty.
Quel est selon vous la fleur ou plante emblématique du pays basque et pareil pour la faune ?
Ma réponse va peut-être vous étonner. Pour moi, la plante la plus emblématique est l’ajonc, dont les fleurs jaune d’or illuminent la montagne à une époque où les autres plantes sont fanées depuis longtemps. En effet, c’est elle qui, année après année, en dépit de tous les écobuages, résiste vaillamment, repousse sans arrêt et s’échine à restaurer les terres dévastées par le feu et le surpâturage. Non seulement elle enrichit le sol car elle appartient à la famille des fabacées, que l’on appelait autrefois les légumineuses, fixatrices d’azote, mais en outre elle le protège. Ses rameaux hérissés d’épines abritent de la dent des herbivores voraces les jeunes pousses d’arbres et d’arbustes jusqu’à ce qu’ils deviennent aptes à se défendre seuls. J’espère qu’un jour prochain nous reconnaîtrons le rôle essentiel de cette plante et que nous laisserons la montagne redevenir, grâce à sa végétation arbustive et arborée, le château d’eau qu’elle était autrefois.
En ce qui concerne la faune, je pense que la limace est, de loin, la plus emblématique de notre région. Elle est le symbole de l’eau abondante, de la terre généreuse, de cette verdure que beaucoup nous envient. Avec le réchauffement climatique, je crains que beaucoup de ceux qui vitupèrent après elle n’en viennent à regretter sa voracité, permise par un pays de cocagne dont nous n’apprécions pas la valeur à son juste prix.
Comment définiriez-vous le patrimoine naturel basque côté océan et côté montagne ?
Je pense que l’on ne réalise pas encore suffisamment à quel point tout est lié. L’opposition montagne et plaine, côte et intérieur, est factice. Voici quelques exemples.
1- Le déboisement de la montagne l’expose à l’érosion, réduit l’infiltration de l’eau dans les nappes phréatiques, accentue le ruissellement et les risques d’inondation catastrophique en aval.
2- Les barrages bloquent le transfert des débris rocheux arrachés à la montagne par l’érosion naturelle et qui auraient dû se transformer progressivement en sable en roulant dans les torrents. Toutes les côtes européennes pâtissent d’un déficit de sédiments qui contribue à les fragiliser et à les faire reculer. La côte basque ne fait pas exception.
3- Les pratiques agricoles actuelles engendrent la perte de sol arable que nous voyons partir à la dérive en une longue traînée dans la mer depuis l’estuaire de l’Adour et des autres petits fleuves côtiers.
Toutes ces perturbations du cycle de l’eau sont décrites depuis des années dans des rapports scientifiques, mais nulle décision politique n’en a tiré les conséquences, bien au contraire. Par exemple, sur le plan local, l’Institution Adour, composée d’élus et de conseillers départementaux, a initié un vaste programme hydraulique à partir de 1978, les premiers grands réservoirs du Sud-Ouest servant à l’alimentation urbaine en eau potable et à l’irrigation. Mais à partir des années 1980, les barrages n’ont servi qu’à l’expansion de la maïsiculture jusqu’en 2008. Puis, de façon à poursuivre l’irrigation du maïs, leur dénomination a changé, passant de barrage-réservoir à « soutien d’étiage » ou « retenue collinaire » afin d’obtenir un financement public pour des intérêts privés…
D’où vient cette passion pour la nature, sa mise en valeur en particulier dans les zones urbaines ?
Pour un citadin, et plus encore pour un jeune citadin, la nature est une notion trop vague, trop lointaine, trop abstraite. J’ai eu la chance de vivre dans ma jeunesse à Arcangues, à une époque où l’on achetait encore le lait à la voisine qui avait des vaches dans son pré, où les insectes étaient légion et le miel des ruches abondant sur notre propriété familiale. Aujourd’hui, je pense qu’il est plus judicieux d’aborder le thème de la nature en enseignant à jardiner en ville. Jardiner, c’est apprendre à vivre au rythme des saisons, c’est prêter attention à ce que l’on mange, à sa santé, c’est découvrir qu’aucune de nos plantes comestibles ne pourrait subsister sans la collaboration d’une kyrielle d’auxiliaires sauvages comme la coccinelle, le hérisson ou le ver de terre. Enfin, jardiner, c’est revenir à des préoccupations terre à terre au sens propre, retrouver le plaisir des choses simples, l’émerveillement devant la vie dans toute sa diversité.
Dans quel contexte est apparu l’association Libre cueillette ?
Après avoir vu le film « Demain », de Cyril Dion et Mélanie Laurent, j’ai réfléchi sur l’expérience des « Incroyables Comestibles » à Todmorden, en Angleterre, et j’ai décidé de m’en inspirer pour créer l’association Libre Cueillette. J’avais déjà initié depuis quelques années l’atelier Jardinage et botanique à l’UTLA et je souhaitais entreprendre une activité de sensibilisation de plus grande envergure.
Qui participe et fait vivre cette association ?
Je l’ai fondée avec des membres de ma famille et une amie. C’est d’abord un de mes fils qui a assuré à mes côtés les premières animations au lycée Cantau. Sonia a pris le relais pour animer les jardins partagés et des activités connexes.
Quels sont les partenaires ? Quelle est leur contribution pour réaliser les jardins partagés ?
Le premier partenaire a été le lycée Cantau. Nous avons travaillé avec des lycéens, des étudiants en BTS Design d’espace et des CAP Menuiserie. Les professeurs étaient très demandeurs d’une activité qui illustre le développement durable et ces actions ont été financées comme projets de classes. Ils ont négocié auprès du proviseur l’attribution d’un emplacement pour jardiner dans le parc du lycée.
Puis nous avons été sollicités par le COL (Comité Ouvrier du Logement), qui terminait juste la construction de trois immeubles HLM en centre ville, reliés entre eux par des terrasses au second étage. Des plates-bandes avaient été laissées volontairement sans végétation et nous avons été chargées d’aider les nouveaux résidents à faire connaissance en jardinant ensemble.
Le troisième partenaire a été le service jeunesse de la municipalité d’Anglet. Ayant eu vent de nos actions, il a souhaité créer avec notre collaboration un jardin partagé dans une résidence gérée par l’Office 64, un autre organisme HLM. Nous avions pour mission de former un employé du service jeunesse et des jeunes en service civique qui étaient sous sa responsabilité. Ils devaient être rendu capables, à terme, d’encadrer des résidents dans cette activité de jardinage.
Enfin, depuis cette année, nous venons de débuter des activités au sein de deux crèches, l’AAFS à Anglet et la MAM à Urrugne. Parallèlement, nous reprenons des activités avec le lycée Cantau, avec le COL pour d’autres résidences, ainsi qu’avec le service jeunesse de la municipalité d’Anglet pour former une nouvelle personne à l’encadrement du jardin partagé de Lespès.
Comment procédez-vous pour acquérir de nouveaux terrains ?
Depuis le début, nous cherchons un terrain public ou privé où nous puissions accueillir du public. Comme vous l’avez vu, nous ne travaillons pour le moment qu’au sein de structures fermées, pour des scolaires, des résidents en habitat collectif ou des tout-petits en crèches. Nous sommes toujours à la recherche d’un lieu qui soit libre d’accès pour y organiser nos activités. Nous avons fait une proposition à la mairie de création d’un jardin des 5 sens près d’une aire de jeux. Nous comptions le créer et l’entretenir sous la forme d’un jardin partagé ouvert au public, mais ce projet, qui était en bonne voie en début d’année, a été stoppé net par le Covid. J’espère qu’il verra le jour en 2021.
Où se situent ces jardins ? ça correspond à combien de surface ?
A part la crèche d’Urrugne, tous ces jardins partagés se trouvent à Anglet. Leur surface va d’une douzaine de m² pour les crèches à 80 m² pour la résidence des Terrasses de l’Avenue gérée par le COL.
Qui s’occupe de ces jardins ? qu’est-ce qu’on y cultive en hiver ? qui profite des récoltes?
L’objectif de Libre Cueillette, c’est d’aider à la mise en place de nombreux jardins partagés. Nous ne sommes pas les jardiniers des gens. Au contraire, nous faisons en sorte d’aider à la constitution de groupes qui entretiennent des relations amicales. Nous leur donnons toutes les informations et tous les outils techniques pour qu’ils deviennent autonomes en 6 mois à un an, de façon à ce que le jardin devienne pérenne. Bien entendu, ceux qui participent au jardin partagé profitent en priorité des récoltes. Mais rien ne les empêche, lorsqu’il y a des surplus, de les partager avec d’autres personnes. Un jardin partagé n’étant pas clos, il arrive que quelque personne indélicate vienne se servir sans demander, mais c’est rarissime et, dans une résidence, elle est rapidement repérée. Il faut alors lui expliquer – avec gentillesse et politesse – le fonctionnement d’un jardin partagé et l’inviter à venir contribuer aux cultures pour bénéficier des récoltes.
Que cultive-t-on en ce moment ? Le jardin potager demeure actif même en hiver.
– On peut y trouver des légumes feuilles : les épinards, la mâche, les laitues d’hiver, les chicorées, les choux (vert, brocolis, chinois ou de Bruxelles) et les poireaux d’hiver.
– Parmi les légumes racines : les carottes, le panais, le navet, le Rutabaga, la betterave, les radis d’hiver, le radis noir, le topinambour.
« Anglet, surnommée « ville-jardin », dispose de nombreux parcs et jardins en tout genre pour se ressourcer, se divertir ou sortir des sentiers battus » (ville d’Anglet). Selon vous, quels sont les bienfaits à augmenter la végétalisation en ville ?
La population d’Anglet est passée de 21 000 habitants en 1968 à près de 39 000 habitants en 2020, soit une croissance de 84% sur une période de 52 ans, elle a presque doublé. A titre de comparaison, Bayonne est passée dans le même temps de 42 743 à 52 398 habitants, soit une croissance de seulement 22,5 %, tandis que Biarritz passait de 26 750 à 24 724 habitants (-8%).
Les vergers, potagers, cressonnières, les prairies pâturées par le bétail et les champs de céréales que je voyais durant ma jeunesse ont laissé place à un habitat d’abord dispersé de maisons individuelles, puis de plus en plus concentré en résidences collectives. Ces dernières années, la mairie accorde des permis de construire à des promoteurs qui remplacent les villas avec jardins par des immeubles qui occupent tout l’espace disponible. L’objectif actuel de la ville d’Anglet continue d’être la densification de son habitat, justifiant ainsi les aménagements énormes qu’ont nécessité la mise en place du trambus, alors que venaient à peine de s’achever les travaux pour instaurer des voies de bus séparées.
Certes, la limitation de la circulation automobile en ville est une bonne chose, de même que l’aménagement de pistes cyclables et de trottoirs plus larges. Toutefois, le réchauffement climatique qui s’accélère nécessite des mesures d’aménagement urbain encore plus ambitieuses, mais pas forcément technologiques. Pour limiter l’élévation de la température estivale en ville, la solution la plus facile à mettre en place sera de multiplier le nombre d’arbres le long des chaussées et contre les bâtiments et de les laisser croître naturellement, sans restreindre leur hauteur ni le diamètre de leur houppier.
Mais ces arbres, tout comme les humains, auront soif. La ville devra entreprendre de libérer au maximum la terre de ses revêtements imperméabilisants de bitume ou de béton. Sans doute devra-t-elle également revoir le réseau d’eaux pluviales et aménager des mares et des bassins.
L’agence de l’eau a lancé en 2019-2020, prolongé en 2020-2021, un appel à projets national qui vise tout projet de désimperméabilisation et de végétalisation pour gérer les eaux de pluie des cours d’école, de collège, de lycée et d’université.
Cette désimperméabilisation accompagnée d’une végétalisation accrue permettra aussi d’atténuer les effets des pluies torrentielles qui, à l’inverse, seront de plus en plus fréquentes en automne-hiver. La végétation freinera l’écoulement de l’eau et lui permettra de s’infiltrer dans le sol. Ainsi, on pourra éviter, ou au moins limiter, les inondations calamiteuses.
Quels sont les projets en cours pour cette année ?
Les mesures gouvernementales imposées pour enrayer l’extension du coronavirus perturbent beaucoup les activités associatives. Les projets que nous avions en janvier 2020 se sont retrouvés bloqués pendant des mois. Alors que nous reprenions contact en septembre avec nos partenaires et que nous débutions le premier jardin partagé à la crèche AAFS, le confinement a de nouveau été promulgué en novembre. Compte tenu de cette immobilité forcée, Libre Cueillette a concocté cet été un nouveau projet intitulé BAB 2050, carnet de voyage d’anticipation. Il s’agit d’imaginer nos trois villes de Bayonne, Anglet, Biarritz, plus vertes d’ici 30 ans. Nous demanderons à des peintres d’imaginer la transformation possible des quartiers et à des animateurs nature de sonder les habitants sur leur sentiment à l’égard d’une renaturation de leur environnement urbain. Nous espérons que la réalisation de ce projet rencontrera moins de problèmes que celle des jardins partagés. Dans le cadre d’un concours, les jeunes et les scolaires sont également sollicités pour imaginer la ville de demain.
Je suis en appartement et j’aimerais apprendre à jardiner et pouvoir accéder à un jardin partagé , comment je fais ? quelle est la démarche ?
Sur Anglet, comme je l’ai dit, il n’y a pas encore de jardin partagé accessible au public. Il y a l’atelier Jardinage et botanique de l’UTLA que je co-anime à Tivoli à Anglet. Il existe un jardin partagé sur Biarritz aux serres de la Milady, animé par l’association Bio Divers Cité, et trois jardins partagés sur Bayonne, un à la ZUP, animé par l’association Graines de liberté, un à Balichon sous la houlette de la MVC du centre ville et le jardin partagé Maldan, au square du Marquisat dans le quartier St Esprit. D’autres petits espaces existent ici ou là, comme le jardin des remparts à Bayonne et les cultures en bac du Roof au Forum à Bayonne avec les Génies verts.
Si l’on souhaite installer une petite jardinière sur son balcon, quels conseils pourriez-vous donner ? (choix des graines, exposition lumière, quand planter en fonction des saisons? …..)
Il existe beaucoup d’information sur Internet pour savoir quand semer ou planter. Pour le choix des graines et plants, il est bien sûr préférable de choisir du bio. Le premier confinement de début d’année a amené des voisins à s’assembler en collectifs d’échange d’informations, de graines et de plants. C’est une sorte de jardin partagé virtuel qui est plus facile à mettre en place puisqu’il ne nécessite pas de terrain, mais seulement une ouverture vers les autres. J’en connais un sur Montbrun, mais je suis sûre qu’il en existe d’autres. Des habitants en résidences ont aussi commencé à créer des jardins partagés dans leurs parcs, qu’ils cultivent entre voisins. Des vocations et des envies se sont éveillées, grâce à l’afflux soudain de temps libre.
Le contexte sanitaire et socio-économique actuel a mis en évidence des fragilités sur le territoire notamment vis-à-vis de la production maraîchère et fruitière. Pourquoi ? (j’ai vu un article sur votre site là-dessus)
Lors du dernier confinement, la ruée sur les magasins comme si nous nous apprêtions à vivre en période de guerre a créé une pénurie artificielle. Elle a surtout mis en évidence le peu de résilience des villes face à des coups durs et leur incapacité à assurer leur propre subsistance. Alors qu’autrefois le territoire d’Anglet permettait aux deux villes voisines de Bayonne et Biarritz de s’alimenter en légumes et fruits, le poisson arrivant des ports de Bayonne et surtout de Saint Jean de Luz et la viande de l’intérieur du Pays basque, les sources alimentaires des villes du Pays basque se sont beaucoup délocalisées en même temps que les grandes surfaces tuaient le petit commerce. Face aux graves perturbations climatiques qui s’amorcent et aux perturbations économiques et politiques qui en découlent déjà, il est urgent de remédier rapidement à ce déséquilibre. Certes, les jardins partagés ne pourront pas nourrir le BAB, mais ils font partie des actions de sensibilisation de la population. Il va falloir relocaliser au maximum la production de nos ressources, et en toute priorité, celle de nos ressources vivrières.
Quel message voulez-vous faire passer aujourd’hui aux auditeurs?
J’avais aimé le message du film « Demain » car il était positif : il montrait que le changement peut se produire « par le bas », par les gens eux-mêmes, sans attendre d’action de la part des édiles, qu’elles soient municipales, régionales ou nationales. Planter, c’est facile, désimperméabiliser aussi. Consommer prioritairement local et bio, c’est influer fortement sur les pratiques paysannes en leur offrant un marché pour leurs productions. Acheter moins, acheter mieux, sans emballage, sans pesticides, sans transport depuis l’autre bout du monde, c’est protéger son environnement au quotidien, concrètement et simplement…
Votre expérience perso, votre rapport à la nature – vos observations, conseils et art de vivre ?
Le siège de l’association Libre Cueillette est près de la Tour de Lannes, sur un flanc du plateau de Parme occupé par l’aéroport. En cette saison, j’observe les oiseaux de passage qui viennent picorer les arbouses du jardin et les baies du pyracantha, les pigeons se posent sur la chaussée après le passage des voitures pour picorer les glands et les châtaignes écrasés par les pneus. L’écureuil galope sur la pelouse rase et fonce chez un de mes voisins où il poursuivra sa collecte de provisions pour l’hiver. Les insectes butineurs se disputent les dernières fleurs de l’abélia et les fleurs d’arbustes méditerranéens comme l’arbousier, le citronnier, l’oranger. Ils profitent d’une dernière floraison du trèfle incarnat, de la menthe et de l’épervière. A la tombée de la nuit, les chauves-souris zigzaguent au-dessus de l’allée en gobant les insectes et, un peu plus tard, les chouettes hulottes se répondent d’un arbre à l’autre. La vie sauvage ne demande qu’à se répandre, la biodiversité à se restaurer, pour peu que nous lui en laissions le loisir.
Est-ce que vous souhaiteriez nous partager un article de votre site « Le monde de cathy » ?
En août 2018, j’ai publié un texte sur la ville de « Valence » où je me suis rendue en vacances, sur la côte méditerranéenne espagnole. Je me suis particulièrement intéressée au sort du fleuve Turia qui fut détourné à l’époque de Franco pour résoudre le problème des inondations récurrentes de cette grande ville. Je pense que pour mieux imaginer ce qui nous attend au Pays basque d’ici 2-3 décennies il est intéressant d’observer la situation chez nos proches voisins afin d’éviter de répéter les mêmes erreurs.
Un autre article, publié le 2 février 2020 et intitulé « Autosuffisance alimentaire à Behorlegi », se rapporte à une visite que j’ai faite chez un membre du « collectif pour l’autonomie alimentaire » dont Libre Cueillette fait partie. Je pense que le mode de vie de Gorka, Odei et leurs deux fils peut amener à réfléchir sur la physionomie de la Terre que nous voulons laisser à nos enfants.
Comment rejoindre l’association libre-cueillette et/ou participer aux projets des jardins partagés?
C’est simple, il suffit de m’écrire à contact@libre-cueillette.net. Je poste aussi des informations sur le site Internet de l’association https://libre-cueillette.net/. En ce temps de confinement, j’invite les auditeurs à visiter la rubrique du site intitulée « Projets en cours ». Il s’agit du projet de carnet de voyage d’anticipation BAB 2050 auquel les peintres amateurs petits ou grands peuvent participer dans le cadre d’un concours dont les modalités sont indiquées sur le site. Imaginer la ville de demain, c’est le premier pas vers sa transformation et notre propre mutation vers un nouveau style de vie à inventer.