13 mois à Escoundé-Lagunekin

Cueillette des artichauts (15 avril 2022)

13 mois ont passé depuis le début de la mise en route du jardin partagé à la résidence Escoundé-Lagunekin de Sutar (Anglet): c’est à la fois beaucoup et trop peu. Beaucoup, car en une année, parti d’une terre glaise peu engageante, le jardin a bien évolué et prospéré, sa teneur croissante en matière organique améliorant progressivement la structure du sol et sa fertilité. Trop peu, car le groupe de jardiniers qui se composait au départ d’une dizaine de personnes motivées s’est rapidement amenuisé pour diverses raisons (contraintes professionnelles, familiales, santé…).

Gousses de fèves prêtes à être cueillies (29 avril 2022)

Il commence à peine à s’étoffer de nouveau, d’une part en raison de la bonne allure du jardin qui donne envie à quelques voisins de contribuer aux activités, et d’autre part surtout grâce au « noyau dur » des jardiniers permanents qui continue d’encourager sans cesse à la participation des voisins par le réseau Whatsapp très vite mis en place, mais également par l’organisation de diverses activités collectives plus ou moins liées au jardin, aidées ou inspirées par Libre Cueillette.

Pollinisateur à l’œuvre au Potager Amalur.

Mais lorsque s’est approchée la fin des animations Libre Cueillette – prévues pour 13 mois, de mai 2021 à mai 2022 -, le stress s’est emparé de Kattalin. Membre stable et très actif des résidents jardiniers, elle ne se sentait pas prête, elle demandait davantage d’informations, de repères, sur le calendrier des semis par exemple, mais aussi pour le diagnostic à apporter en cas de prolifération de limaces, de pucerons, d’oïdium ou du dépérissement d’une plante sans motif apparent. Autre source d’inquiétude, la sensibilité différente des membres du groupe à l’égard de la permaculture, la difficulté à faire accepter la biodiversité au jardin, qu’elle soit animale (ex. les limaces) ou végétale (les « mauvaises » herbes ou adventices). Il y a encore des hésitations sur le bon emploi des composteurs et le choix du moment opportun pour utiliser le compost mûr en amendement du sol. Le paillage également n’est pas encore tout-à-fait bien pratiqué ni accepté par tous les membres. Enfin, le regard des voisins pèse sur leur travail, certains, bien qu’ils n’y mettent pas le pied, ne se privant pas de dire que le jardin est trop « désordonné », qu’on n’y voit qu’un fouillis de plantes. Astrid y est sensible, et elle s’est mise à désherber activement un petit espace où elle souhaitait repiquer ses plants de petits pois semés en pots sur son balcon.

Yves offre des plants de tomates qui ont survécu à l’hiver sur son balcon !

Jardiner sans chimie, en faisant « simplement » croître la biodiversité du sol, des champignons, des végétaux et des animaux, est une démarche qui demande du temps pour être bien comprise et assimilée. Elle nécessite l’apprentissage d’un nouveau regard sur le jardin, d’une aptitude à l’observation, de la patience et de la retenue pour résister au premier réflexe d’intervenir dès l’apparition d’un problème (arracher, tuer, exterminer !!!). Il est plus aisé pour les animatrices de Libre Cueillette de monter au créneau (gentiment) pour expliquer tout cela, car elles sont extérieures à la résidence. C’est moins facile entre voisins car aucun n’est investi d’une autorité qui primerait sur les avis des autres.

Jacques, blessé lors d’une chute, vient quand même participer un peu au jardin.

Très rapidement, le groupe a pris goût à la participation aux bourses aux plantes, aux échanges de semences, de plants et de boutures avec d’autres jardiniers passionnés. Les surplus n’étaient plus un problème – où les implanter dans ces deux petites plates-bandes qui leur étaient imparties ? -, ils devenaient au contraire une monnaie d’échange, une possibilité d’enrichir la diversité sans avoir à débourser un centime. Parallèlement, des plantes végétant aux balcons ont été spontanément offertes au jardin dans l’espoir qu’elles s’y sentent mieux, ainsi que des semis qui, à l’inverse, avaient si bien réussi sur les balcons qu’ils ne disposaient pas de place suffisante pour leur développement. Avec beaucoup d’amour et d’attentions, un grand citronnier presque mort a ainsi pu être sauvé.

Pollinisateur dans les fraisiers.

Dans tous les jardins « collaboratifs » démarrés avec l’aide de Libre Cueillette, nous insistons Sonia et moi sur trois choses à mettre en place. La première, c’est l’étiquetage, la signalétique. C’est utile pour les jardiniers eux-mêmes, pour qu’ils apprennent à reconnaître chaque plante depuis la germination de la graine jusqu’à son déploiement à la maturité. C’est aussi indispensable pour repérer où l’on a semé et à quelle date, afin de pouvoir juger si on peut encore espérer que ça germe ou mettre autre chose si cela n’a pas marché. Enfin, c’est sympa pour les visiteurs, parents, voisins, amis, qui découvrent la diversité des plantations de fleurs, légumes, aromatiques et petits fruits. Le deuxième point, c’est la conception d’un affichage installé à l’entrée du jardin pour expliquer ses objectifs, le mode de collaboration – partager le temps, le travail, le financement, le plaisir d’être ensemble, et… les récoltes -, de façon à décourager – gentiment – des cueillettes qui n’auraient pas été méritées par une participation effective aux activités collectives du jardin. Il peut également comporter une invitation à y contribuer.

Calendula, trèfle et fraisiers intimement entremêlés.

Le troisième point, c’est la constitution d’une association, ou au minimum de la mise en place d’une « kutxe », d’une cagnotte où chacun abonde à part égale : elle permet de procéder à des achats collectifs de graines, de plants, de petit matériel, de mini-serres, etc. Quand ce sont toujours les mêmes qui s’investissent financièrement, cela peut induire des tensions. C’est ainsi qu’est née récemment l’association « Potager Amalur » dont les trois membres fondateurs espèrent être bientôt rejoints par d’autres voisins intéressé par le jardin. Le groupe a immédiatement compris l’avantage de cette structure qui permet de présenter aux tiers un interlocuteur stable et fiable, apte à recevoir des subsides et des subventions, par exemple pour l’acquisition d’une cabane de jardin, de matériel un peu onéreux comme une grelinette, une brouette, etc.

Les plants d’artichauts continuent de fleurir (13 mai).

Un jardin comporte, évidemment, les plantes que l’on y a introduites après avoir mis temporairement à nu le sol. Mais ce dernier contient une quantité d’organismes avec lesquels il va falloir composer afin de parvenir, à terme (au bout de quatre ans environ), à un équilibre. Certains y sont naturellement inclus, d’autres arrivent en rampant, en marchant, en volant, une partie y réside, d’autres ne sont que des visiteurs: micro-organismes, graines de plantes sauvages (adventices), champignons, invertébrés (insectes, vers de terre, limaces, escargots), petits mammifères, etc. Il ne faut pas oublier l’environnement du jardin: le potager Amalur est privilégié, car il s’étend non loin d’un petit bois qui pousse dans un fond de vallon humide. Ainsi, les insectes pollinisateurs sont à portée, de même que les oiseaux et autres prédateurs (hérissons, crapauds) qui sont les auxiliaires naturels – et gratuits – des jardiniers. Il suffit de leur réserver des coins favorables (tas de bois, prairie naturelle, buissons…) à proximité.

Enfin, la météo et le climat entrent pour une part importante dans les paramètres du jardin. Juin 2021 fut particulièrement froid et humide, tandis que ce printemps 2022 est anormalement sec. Il faut apprendre à jouer avec tous ces éléments, faire preuve d’observation, mais aussi de souplesse, d’imagination: il n’y a pas de règle immuable, si ce n’est de savoir s’adapter en permanence. L’information est capitale, de même que le croisement des expériences. Ainsi, le réseau Whatsapp créé au Potager Amalur offre aux jardiniers une plateforme où chacun peut partager ses sources d’inspiration ou de réflexion puisées sur Internet, parmi ses relations, lors des échanges de bourses aux plantes, dans ses lectures… Comme on le voit, l’objectif de l’association Libre Cueillette n’est pas de dispenser un savoir immuable sur des techniques de jardinage, mais bien plutôt d’amener un groupe à fonctionner harmonieusement dans ses relations internes, lors de ses activités collectives, ainsi qu’à l’égard de la nature toute entière qui s’invite au jardin. « Faire avec » au lieu de « lutter contre »…

Coccinelle: larve et adulte (Potager Amalur, 27 mai)
Tipule: Les larves entretiennent le sol en contribuant à son aération, sa fertilisation et en se nourrissant des débris végétaux qui s’y déposent. Les adultes sont une source alimentaire appréciée des oiseaux et des batraciens. (Potager Amalur 27 mai)
Poivrier de Chine (Houttuynia cordata)
Purin d’ortie – Récolte de fèves – Application mesurant la température du sol selon sa couverture végétale.

 

 

13 mois à Escoundé-Lagunekin
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