Petits jardiniers en herbe

Six mois ont passé à la Maison d’assistants maternels (MAM) de Camieta à Urrugne. C’est à la fois peu et beaucoup. Notre coup de sonnette à la fin juin est salué par des hurlements de joie que nous entendons, toutes fenêtres fermées, depuis l’extérieur de la mini-crèche. Les enfants adorent ces ateliers sur le thème du jardin et ils se précipitent vers nous sitôt passé le seuil de la porte pour se jeter dans nos bras et quémander des câlins.

Caroline, la directrice de la crèche, s’exerce à animer au jardin

A ce stade, tout va très vite, il y a un monde depuis le bébé incapable de se mouvoir jusqu’au jeune enfant plein de vie qui s’apprête à entrer à la maternelle. Et pourtant, nous voyons bien que les bébés observent attentivement ce qu’il se passe autour d’eux et, sitôt qu’ils en ont la capacité, ils n’ont qu’une hâte, c’est de suivre les « grands » au jardin. Lors des ateliers, les enfants, en jouant, élargissent leur vocabulaire (nom des légumes, les différentes parties d’une plante des racines à la graine…) et travaillent leur motricité (semer, planter, arroser, cueillir, toucher sans arracher…). Danses et chansons offrent des intermèdes appréciés, ainsi que de petits jeux où ils peuvent se défouler, pour ensuite mieux se concentrer. 

Apprendre à ne pas arracher

Ces activités ludiques aident aussi à l’intégration dans le groupe. En effet, une petite fille est bascophone, un petit garçon anglophone, et un autre a un peu de retard dans son développement, il ne parle pas et, se sentant incompris, il a tendance à se mettre en colère. Les trois progresseront de manière spectaculaire, ils participent de mieux en mieux au fil des mois et s’ouvrent aux autres. Bien sûr, et c’est vrai pour tous, dès qu’un rhume ou toute autre petite maladie infantile vient perturber la forme, les susceptibilités s’éveillent, le partage et la participation deviennent plus difficiles. Mais dans l’ensemble, chacun profite et progresse à son rythme, et cela réjouit le cœur de voir le plaisir qu’ils éprouvent.

Toucher, sentir, malaxer, se salir !

Malgré leur grande jeunesse, le conditionnement social s’exerce déjà. Au cours des premières animations, la plupart des enfants hésite à toucher la terre et, lorsqu’ils le font, ils montrent immédiatement leurs mains noircies: elles sont sales, ils demandent à ce qu’on les nettoie ! Au bout de quelque temps au contraire, il faudra les freiner dans leur enthousiasme à creuser la terre et jouer avec, car ils ne tiennent pas compte des semis et des jeunes plants déjà en place ! Un seul enfant se refusera résolument à toucher la terre, mais nous découvrirons qu’il adore manier les instruments, petite pelle, petite griffe, pour gratter et creuser la surface durcie. Il aime aussi danser, sauter, courir, et il apprendra peu à peu à s’insérer dans la ronde où l’on se tient par les mains. D’un autre côté, durant ces six mois, aucun parent n’anticipera l’activité de jardinage pour habiller l’enfant plus simplement, avec des vêtements facilement lavables. M’inspirant du système D observé sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle, je finirai par conseiller d’utiliser des sacs poubelles découpés pour laisser passer la tête et les bras afin que les enfants puissent jardiner librement sans que nous ayons sans cesse à prendre garde à leur tenue.

Navets ou grands radis blancs

Avec l’arrivée du printemps, les récoltes se succèdent, c’est l’occasion d’élargir la palette des goûts et de lever certaines appréhensions ou (déjà) des a priori tels que « les légumes, je déteste » ou « le vert, c’est pas bon ». Les enfants goûtent des feuilles de salade, des fraises des bois. Sonia, armée d’un grand couteau pointu, découpe des tranches fines de navet-radis. Les plus hardis testent d’abord, les autres suivent l’exemple, même les assistantes maternelles acceptent de goûter cette racine tout juste sortie de terre ! Tout le monde en convient: c’est délicieux, goûteux, juteux, à peine un peu piquant (les feuilles sont plus piquantes). On en redemande et il faut réduire l’épaisseur des tranches pour que chacun ait sa part.

A l’heure de la dégustation du navet-radis

Avant les fêtes de Noël, Sonia a demandé que les assistantes maternelles conservent des petites caisses à vin de six bouteilles et demandent aux parents d’en apporter. C’est le format idéal pour confectionner des bacs personnalisés à la taille des tout-petits. Leur pourtour a été peint par les enfants, Sonia les a emportés chez elle pour y passer plusieurs couches de lasure transparente afin de les protéger et les imperméabiliser. La fois suivante, elle les a rapportés à la crèche avec un gros sac de terreau, quelques graines et des petits plants. Il n’y avait plus qu’à enseigner aux enfants à dépoter soigneusement, défaire le « chignon » de racines pour les plants les plus anciens, creuser un trou, mettre la plante, recouvrir de terre, tasser et, enfin, le plus rigolo, arroser !

Une caisse à vin recyclée en bac

En prévision des ateliers de jardinage, Caroline, la responsable de la mini-crèche, avait demandé à l’automne l’installation d’un grand bac. Celle-ci s’est faite en son absence pendant les vacances. A son retour, elle a découvert que, d’une part, le bac n’était pas aux dimensions demandées, il était beaucoup plus large, c’était un bac aux dimensions standards au lieu du sur-mesure qu’elle avait préconisé, et enfin, les installateurs n’avaient pas réfléchi à son utilisation ultérieure, plaçant le bac contre les murs en angle. Résultat, impossible aux enfants (et aux adultes) de tourner autour du bac, l’accès au robinet d’eau était acrobatique et la trop grande largeur rendait le jardinage impossible avec les enfants sur une bonne moitié au moins du bac ! En plus, étant donné le volume de terre qu’il contenait, son déplacement n’était pas envisageable. 

Un bac mal positionné dans un angle

Malgré tout, les semis, les boutures et les plants ont amené de la vie dans ce grand bac. Quelques plantes sauvages aux graines enfouies dans le terreau ont germé, grandi et fleuri, attirant les pollinisateurs et d’autres insectes auxiliaires du jardinier comme les syrphes aux allures de guêpes ou les coccinelles. Une petite fille a posé la question: « Pourquoi la coccinelle n’est pas là aujourd’hui ? ». Il a fallu lui expliquer qu’elle vole librement et se déplace d’un jardin à l’autre à la recherche de sa nourriture (les pucerons, les cochenilles), ou des plantes favorables à la ponte et aux futures larves (orties ou plantes colonisées par les pucerons). Le jardin permet ainsi l’éveil de l’intérêt pour la biodiversité, l’attention aux êtres, non humains, en l’absence desquels nous ne pourrions pas vivre.

Un bac trop large
Émerveillement devant les plantes
Plantation des tubercules de pommes de terre dans un sac à casier
La patate douce prospère dans le grand bac
Ah, la terre ! Une vocation s’éveille peut-être, si jeune.
Vive le jardin !

 

Petits jardiniers en herbe
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