Herbes sauvages dans les cultures !
Amalur (Terre Mère) porte bien son nom. Depuis la création de ce jardin partagé dans le quartier Sutar d’Anglet, la biodiversité s’est installée très vite, accompagnant la mise en place de légumes, d’aromatiques, de petits fruitiers et de fleurs. Le sol un peu trop argileux est progressivement enrichi par des apports de végétaux. D’abord des prêles et des fougères ont été récoltées dans les environs. Puis les herbes sauvages, beaucoup plus toniques que les plantes cultivées, ont spontanément germé dans le potager. Elles ont d’abord naturellement drainé et aéré le sol par leurs racines, créé un microclimat en surface grâce à leurs feuilles qui ont amorti les pluies et tempéré les chaleurs par l’ombre qu’elles dispensaient et leur transpiration. Risquant d’étouffer les plantations par leur développement accéléré, elles sont régulièrement coupées à la base ou déracinées, puis couchées sur place en guise de paillage.
Le gazon semé par l’entreprise de jardinage sur les espaces communs a rapidement poussé. Soit dit en passant, il aurait suffi de laisser faire la nature. Comme dans le potager, les graines contenues dans le sol auraient germé, certes de façon plus dispersée, plus anarchique, mais elles auraient ainsi conféré une plus grande diversité végétale – et animale -, à condition bien sûr de traiter ces espaces en prairie, uniquement tondue à l’automne après la floraison et la dispersion des graines et des fruits. Sonia et moi observons avec amusement quelques espèces qui réussissent malgré tout à percer et qui dominent rapidement de leur haute taille le fragile gazon, comme le plantain (comestible et aux vertus médicinales) ou le rumex (oseille sauvage aux feuilles comestibles).
Les tontes successives destinées à épaissir le gazon (et empêcher par son occupation du sol la pousse d’espèces sauvages) sont récupérées pour ajouter des apports d’azote au potager. Sonia indique aussi au petit groupe de jardiniers amateurs un lieu où s’approvisionner en broyat, afin d’équilibrer la couche superficielle de terre et l’enrichir en carbone. L’objectif est de tendre vers un sol à la fois nourricier et apte à maintenir une bonne température et un degré suffisant d’humidité pour limiter l’arrosage. La tâche est facilitée par un été doux et pluvieux, favorable aux jeunes plants, mais qui retarde la fructification des aubergines ou des tomates.
D’où vient l’aubergine ?
En effet, ces solanacées aiment le soleil. Selon le botaniste genevois Augustin Pyramus de Candolle (1778-1841), le nom de l’aubergine (Solanum melongena L.) proviendrait du sanskrit vaatingan, devenu baadangan en hindustani, بادنجان (bâdenǧân) en persan, patlıcan en turc, bedengiam, baadanjaan, al-bâdinjân en arabe, berenjena en espagnol, albergínia en catalan et enfin aubergine en français. Consommée depuis 4000 ans en Inde où elle a été domestiquée, l’aubergine pourrait provenir d’Afrique où l’on en trouve encore aujourd’hui de multiples espèces sauvages. Difficile de se prononcer car l’aubergine cultivée est assez différente des espèces sauvages dont elle est issue.
C’est aux alentours du VIIe siècle avant notre ère que l’aubergine se diffusera chez les voisins de l’Inde, notamment en Chine où la première mention de la plante remonte avec certitude à 59 av. J.-C. Il faudra attendre le VIIIe siècle pour que sa culture soit constatée au Japon. Selon le Livre de l’agriculture nabatéenne écrit au IXe-Xe siècle, la Mésopotamie antique en recensait pas moins de 6 variétés alors qu’elle était encore totalement inconnue des Grecs et des Romains. L’aubergine est adoptée par les Arabes en Iran d’où elle se répandra sur le pourtour méditerranéen durant le IXe siècle. L’aubergine devient rapidement un légume très apprécié dont on retrouvera la trace dans de très nombreuses recettes ibériques. Mais il faudra attendre le XIVe siècle pour que l’aubergine soit connue au-delà des frontières géographiques de la culture arabe, d’abord en Italie, puis dans le reste de l’Europe.
Et la tomate ?
Quant à la tomate, elle provient du Nouveau Monde. A partir du XVIe siècle, de nouveaux aliments sont importés des Amériques : des pommes de terre, des haricots, des piments et des poivrons, des courges de toutes les tailles, du maïs, des fraises, du cacao… et un drôle de petit fruit jaune domestiqué au Mexique par les Aztèques, appelé tomatl. Son appartenance à la famille des Solanacées en fait une lointaine cousine de la mandragore, la racine des sorcières… Pendant deux siècles, la tomate sera cultivée dans le sud de l’Europe et servie sautée à l’ail, alors que dans le nord elle sera l’objet de toutes les suspicions… On la dit toxique, immangeable, déplaisante et même dangereuse… L’Europe du nord finira par l’adopter sous forme de sauce au XIXe siècle, et enfin crue en salade et cuite d’une multitude de façons au XXe siècle.
Et le petit pois ?
Domestiqué au Proche-Orient, le pois a été découvert dans des sites archéologiques de Turquie, d’Israël et d’Irak datés de 6 000 à 7 000 ans avant J.-C. et dans la vallée du Rhin dès 4 000 ans avant J.-C. Bien que plus « local », il nécessite également une température suffisante – mais non excessive – pour mûrir. Il appartient à la grande famille cosmopolite des Fabacées dont de nombreuses espèces ont pour caractéristique de puiser l’azote à la fois dans le sol et dans l’air grâce à une symbiose avec des bactéries présentes dans les nodosités des racines. Plusieurs légumineuses sont d’importantes plantes cultivées, comme le soja, les haricots, les pois, le pois chiche, l’arachide, la lentille cultivée, la luzerne cultivée, différents trèfles, les fèves, le caroubier, la réglisse, etc.