Printemps à Lilitegia

Une charte pour expliquer les bons comportements à adopter au jardin
Le texte a été conçu par un groupe de résidents-jardiniers avec l’aide de Libre Cueillette

Le partage n’est jamais une évidence, que ce soit en famille ou dans toute collectivité. L’expérience de cette première année à Lilitegia a révélé que, si la grande majorité des résidents se comporte parfaitement bien vis à vis de ce jardin « collaboratif » en terrasses sur les toits, quelques « brebis galeuses » n’ont pas joué le jeu, sont venues se servir sans avoir participé aux frais ni aux activités et, surtout, ont récolté en cachette sans rien demander à personne. Ces mauvais agissements ont induit le découragement et la désaffection de quelques participants et une certaine suspicion et méfiance à l’opposé de la bonne ambiance que ces activités de jardinage devraient induire. Ainsi, après une longue gestation, une charte du jardin a été rédigée avec l’aide de Libre Cueillette et, après avoir été soumise à l’aval de la mairie et de l’Office 64 de l’Habitat, elle a été affichée à la fin mars sur des panneaux à l’entrée.

Un panneau a été ajouté sur la porte du jardin, côté couloir intérieur.

Au gré des réunions propres à la résidence, côté locataires et côté accédants à la propriété, des informations ont filtré et les contrevenants ont fini par être repérés. Pour mieux les reconnaître lorsqu’ils montent au jardin, il reste encore un panneau à réaliser, faisant office de « trombinoscope ». En effet, seule une minorité de résidents a la possibilité de venir aux animations de Libre Cueillette le mercredi en fin d’après-midi (théoriquement de 17h à 18h30, mais elles se prolongent souvent jusqu’à une heure plus avancée). D’autres résidents viennent plus tard le soir, d’autres jours ou le week-end. Ainsi, tous les participants ne se connaissent pas forcément entre eux, même si des échanges ont lieu sur les réseaux WhatsApp mis en place pour faciliter la communication interne.

Laisser faire la colonisation naturelle des plantes pour couvrir le sol.

Ce jardin « collaboratif » de Lilitegia est vaste, et une succession végétale ininterrompue au cours des saisons ne peut se mettre en place que progressivement. Tant que cet objectif n’est pas atteint, il est important que les résidents comprennent l’intérêt de laisser s’exprimer la propension naturelle de certaines plantes à coloniser l’espace, que ce soit des plantes cultivées, comme les fraisiers ou la menthe, ou des plantes sauvages dont les graines étaient déjà dans le sol, ou bien dans le terreau des plants introduits, ou encore apportées par les airs avec les insectes, les oiseaux ou le vent. Il faut que cela devienne très clair dans les esprits: le sol ne doit pas demeurer nu, exposé aux éléments (soleil, vent, pluie), mais il doit au contraire demeurer le plus possible couvert (de plantes, de broyat, de paillis) pour protéger la microfaune (vers de terre, insectes, bactéries…) qui le génère, l’enrichit, s’en nourrit et y réside.

Des plantes se sont ressemées naturellement dans le jardin, croissent et fleurissent bien plus tôt que l’an passé.
Le jardin, un lieu d’expérimentation où les aléas météorologiques influent sur la bonne marche des cultures.
Signalétique indispensable pour repérer l’emplacement des semis, jeunes plants et apprendre à reconnaître les végétaux du jardin.
Le printemps, c’est la bonne période pour les semis et plantations.

Après le retrait des plantes annuelles qui ont fini leur cycle et la mise en place d’un nouveau cheminement sur les planches découpées en pas japonais, les jardiniers donnent libre cours à leur imagination pour implanter de nouveaux végétaux en respectant la rotation des cultures. Des plants sont achetés aux jardineries bio de Saint Pée sur Nivelle (Hazitik Lilia) et d’Ascain (pépinière Indartia), d’autres sont issus de semis effectués sur les balcons ou au chaud dans les appartements. Parfois, des parents ou des amis se délestent de quelques plants, ou des résidents « craquent » au marché ou ailleurs et cèdent à la tentation d’acheter des nouveautés. Il est donc nécessaire de signaler les nouveaux apports tant qu’ils sont encore jeunes et peu perceptibles au sol. Un système bon marché a été choisi: un jeu de piques à apéritif et de pinces à linge en bois, ainsi qu’un feutre à encre indélébile à pointe fine.

Indication des travaux effectués
Le message passe pour les absents à l’animation.

Les herbes folles ont une autre fonction qu’un simple couvre-sol. Leur simple présence génère des micro-climats, une protection contre les bourrasques et le dessèchement du vent, une atténuation du rayonnement solaire grâce à l’ombre de ces plantes à croissance rapide, à l’évapo-transpiration, corollaire de l »activité photosynthétique des feuilles et des tiges, un maintien d’une température relativement chaude et humide par rapport à l’environnement extérieur. Ainsi, des plates-bandes ont été aménagées en creusant des tranchées dans ces massifs sauvages de façon à y insérer de fragiles plants de jeunes légumes, tomates, courgettes ou autres.

Le trèfle et la luzerne ont poussé à l’emplacement des tournesols et des courges, restaurant naturellement la teneur du sol en nitrates.
Des plantes cultivées à l’abri des herbes sauvages.

La première tâche au jardin, c’est l’observation: on fait le tour et l’on constate les changements apparus en l’espace d’une seule semaine. C’est ainsi que l’on détermine le travail à faire: soutenir des plantes avec des tuteurs, en dégager d’autres pour leur ménager davantage de lumière, remarquer l’arrivée de pucerons suceurs de sève, s’assurer de la présence de leurs prédateurs naturels (les coccinelles et leurs larves), repérer des espaces demeurés vacants où l’on pourra introduire de nouveaux plants, etc.

Le pois s’est mêlé aux lentilles et à la vesce.
Floraison magnifique des choux – Avec l’allongement des jours, la croissance des légumes s’accélère.
Le colza, une crucifère comme le chou, est aussi en fleurs.

La routine de la visite comprend un petit tour au composteur. Il y a toujours des étourdis – ou des négligents – qui mêlent à leurs déchets végétaux quelques plastiques, capsules de café ou autres produits industriels indégradables par le petit monde des détritivores. Mais depuis l’avènement de chaleurs printanières, voire quasi-estivales, le composteur s’avère un excellent lieu de germination des graines qui y ont été jetées par les résidents. L’ombre n’est pas un obstacle, bien au contraire, et de la lumière filtre à travers les planches de ces conteneurs. La fermentation, résultat du travail de décomposition par les microorganismes, génère une chaleur propice dans ce milieu humide où quelques rescapés en surface réussissent à ne pas se faire dévorer par les insectes, champignons, bactéries… Mieux encore, au lieu de les mettre directement en terre, les plants de tomate ou de courge les plus chétifs sont placés dans cet incubateur de fortune. Et cela fonctionne ! Évidemment, on ignore souvent de quel légume il s’agit, ce sera la surprise lorsqu’on l’aura transplanté à l’extérieur et qu’il aura fleuri et donné ses fruits…

Des graines germent dans le composteur.
En mai aussi de nouvelles graines germent dans le composteur.
Comme au jardin partagé des Terrasses de l’Avenue à Anglet, des framboisiers sont plantés autour des composteurs pour les cacher un peu.

Le 12 avril, Sonia, l’animatrice de Libre Cueillette, remarque une fougère qui s’est implantée dans un endroit bizarre. Elle profite d’un suintement d’humidité sur le côté d’un bac. En marchant sur les graviers de drainage étalés sur le pourtour, une sensation de flottement bizarre révèle la présence d’eau stagnante qui s’est malencontreusement accumulée lors des dernières pluies abondantes: ce n’est pas normal ! La résidente-jardinière qui habite dans l’appartement juste au-dessous s’en inquiète: elle ne voudrait pas subir un dégât des eaux ! Il y a manifestement une anomalie de conception de l’étanchéité du toit-terrasse à laquelle il va falloir rapidement remédier. Par ailleurs, nous remarquons que des semences de saules roux apportées par le vent viennent germer au jardin, surtout sur la terrasse supérieure. Armelle, du jardin botanique de Saint Jean de Luz, nous dit qu’il est présent sur place. Étant donné qu’il s’agit d’arbres pionniers fortement colonisateurs et qu’ils poussent généralement en bordure de cours d’eau et dans des lieux humides, il est important de les éradiquer au fur et à mesure, de crainte qu’ils n’aillent causer des dégâts en explorant le fond des bacs avec leurs racines.

Cette fougère révèle une anomalie de conception de l’étanchéité du toit-terrasse.
Les jeunes arbres sauvages sont extirpés du jardin potager.

Le jardin est une source d’émerveillement sans fin. Non seulement nous ne nous lassons pas d’admirer le dynamisme végétal à l’œuvre, mais nous ne cessons de découvrir de nouveaux animaux. Certes, parfois ils peuvent faire un peu peur, comme les araignées pourtant si petites, mais ils nous amusent aussi et jouent avec nous, titillant notre curiosité en tournant lentement autour des tiges ou en disparaissant dans le fouillis des feuilles lorsque nous nous approchons de trop près ou avec trop de vivacité. Les spectacles d’accouplement ne sont pas rares, comme ces jolies punaises qui se meuvent de concert, soudées ensemble. Un mâle de coccinelle qui a du mal à s’arrimer aux élytres arrondies de sa femelle fait des séries de mouvements frénétiques de va-et-vient accélérés entrecoupées de pauses. Qui dit fourmis, dit pucerons ! Celles-ci parcourent inlassablement les plantes de haut en bas pour protéger des prédateurs leur cheptel dont elles collectent non le lait mais les excrétions sucrées qu’elles encouragent en caressant leurs abdomens.

Une plus grande diversité végétale sauvage et cultivée offre le gîte et le couvert à de nombreux animaux présents dans le sol, mais aussi arrivés par voie aérienne, insectes, oiseaux.
Confection d’un hôtel à insectes pour accueillir les auxiliaires du jardinier.

 

Printemps à Lilitegia
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