Le dimanche 26 novembre 2023, la fête de l’arbre a été célébrée pour la première fois à Biriatou. Le programme était modeste, avec l’organisation d’un petit marché des producteurs pépiniéristes locaux d’arbres, arbustes, fruitiers, vivaces, auxquels se sont associés un libraire présentant quelques livres, un fabricant de boissons originales, un vannier… La journée s’est achevée par une rencontre-débat sur le thème de « L’arbre dans la commune, réponse au défi climatique et alimentaire ». Le lendemain soir, une conférence a été donnée par Hervé Covès, agronome et franciscain, la compétence alliée à l’éthique. Je l’ai enregistrée sur mon téléphone et je vais essayer d’en rapporter les termes le plus fidèlement possible ci-dessous.
Le dernier de la classe
Il n’y a qu’une seule chose qui soit réellement importante, c’est tout ce qu’il faudra retenir de ce que je vais raconter. Il y en a qui rigolent déjà parce qu’ils savent ce que je vais dire: c’est que la vie est belle ! Et je ne repartirai pas avant d’avoir appris à le dire en basque… Ils ne vont pas me l’apprendre pour que je reste ! Peut-être qu’au bout d’un moment ils en auront marre et ils voudront que je parte, parce que si je suis là, c’est aussi pour remuer le cocotier ! Il n’y a peut-être pas encore de noix de coco au Pays basque, mais on voit que tout le monde bouge, change, que le climat évolue, si ça se réchauffe, peut-être que oui, il y aura des cocotiers ici !… ou pas.
Je n’ai pas toujours été confiant et serein vis à vis de ce que j’ai d’abord ressenti comme une immense épreuve. Parce qu’on nous apprend dans la vie qu’il faut toujours être bon, être le meilleur, aller plus vite que les autres, avoir des bonnes notes à l’école, courir vite, avoir des bons scores, il faut toujours être bon et là, pour le réchauffement climatique et notre façon de réagir, j’avais un peu le sentiment d’être le dernier de la classe. J’ai passé une grande partie de ma carrière à faire de la recherche et des expérimentations pour des agriculteurs, pour mettre au point des systèmes de production hyper-intensifs de production hors sol. J’ai commencé à prendre conscience de tout ça et avoir la sensation d’être le dernier de la classe. Pourtant, tout ce que j’avais fait, je l’avais accompli avec beaucoup de cœur, avec beaucoup de travail, vraiment j’avais mis tout ce que je pouvais, jusqu’à ce que je réalise que j’étais sur une voie qui n’était pas appropriée par rapport à ce que l’on vit.
Le fait que ce soit inapproprié, la façon dont nous vivons, est déjà largement, très largement validé. Rio de Janeiro 1992, on prend conscience qu’il y a un gros problème et que la nature a besoin d’être protégée. On prend surtout conscience que, si le problème est international, les solutions ne peuvent être que locales. On peut décider tout ce qu’on veut d’en haut, si, en bas – en bas, c’est nous -, on ne fait rien, on peut prendre toutes les lois, tous les règlements, même quelquefois toutes les contraintes pour essayer d’avancer, il n’y a rien qui se passe. Cela fait plus de 30 ans maintenant. Adopté en 2010, le protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation est entré en vigueur le 12 octobre 2014. 2010, suite à un travail prodigieux de plus de 4000 scientifiques sur la planète, ils prennent conscience que la biodiversité est en train de s’effondrer. Donc, il y a des tas de mesures à prendre, protéger 30% des surfaces émergées de la planète, protéger 11% des surfaces côtières, et ça, c’est signé par tous les états, c’est validé par tous les scientifiques, c’est techniquement évalué aussi.
Le GIEC et la résilience alimentaire
Aujourd’hui, qu’est-ce qu’on a fait, 13 ans plus tard ? On a des plans locaux d’urbanisme avec des trames vertes et des trames bleues, mais nous, en tant que personnes, qu’est-ce qu’on fait ? On attend encore que ce soit l’état qui prenne les décisions ? Et pourtant, ça sert à pas grand choses si nous-mêmes on n’évolue pas. 2022, le 6ème rapport du GIEC. Il y a encore beaucoup de climatosceptiques, il y a encore beaucoup de personnes qui se posent des questions là-dessus, mais le monde scientifique ne se pose plus de question depuis bien longtemps sur ce réchauffement climatique.
Le GIEC, tout le monde a lu le premier tome de ce rapport, celui qui nous dit dans quel scénario on va cuire, est-ce que c’est à +1,5°C, est-ce que c’est à +2,5°C, +3,5°C, +4°C ? Tous les scénarios sont analysés, sont modélisés, sont explicités. En fait ils nous disent que, selon la façon dont on continue à envoyer des gaz à effet de serre, eh bien on peut choisir à quelle température on veut cuire, bleu, saignant, à point, très cuit, semelle. On choisit le scénario qu’on veut et on y va. Ce premier tome, tout le monde le connaît, il a même été traduit en moyana, c’est une tribu d’indiens en Amazonie formée de 3000 locuteurs. Il a probablement été traduit en basque aussi, je ne suis pas allé le vérifier. Voilà, c’est un truc anxiogène qu’on vous dit à la télévision, on va cuire, on va brûler. Donc le premier tome est traduit dans toutes les langues de la planète, quasiment.
Le deuxième tome, il est traduit en 10 langues, les 10 langues des pays industrialisés, et c’est celui qui évalue économiquement combien ça va coûter, secteur d’activité par secteur d’activité, petite région par petite région, tout est évalué en dollars. Ce deuxième tome a été réalisé par des économistes, par des tas de chercheurs, mais surtout par toutes les grandes compagnies d’assurance de la planète. Ils savent exactement combien va coûter le réchauffement climatique,
Le troisième tome, 3060 pages, c’est la boîte à outils de tout ce qu’il conviendrait de faire. 3060 pages. Ce truc-là, je vous défie de le trouver sur Internet, c’est pourtant le plus grand travail collaboratif opensource jamais réalisé sur la planète entière. Près de 28 000 unités de recherche, 600 000 chercheurs, ingénieurs, techniciens, représentants des professions de tous les corps de métier. C’est le travail le plus énorme que l’humanité ait réussi à faire ensemble depuis que l’humanité existe. Et ce truc-là, eh bien personne ne le connaît. Dans le chapitre 3 se trouve une immense partie qui est une boîte à outils de tout ce qu’il conviendrait de mettre en œuvre et ce chapitre s’appelle « Autonomie alimentaire ». Que chaque territoire retrouve sa capacité à ne pas dépendre de l’autre bout de la planète pour vivre, et au début pour l’alimentation. Il faudra le faire sous tous les autres aspects de notre économie, mais le point le plus urgent c’est sur notre alimentation.
Dans la boîte à outils qui est présentée, il y a plein de mesures, chacune de ces mesures est bien évidemment validée scientifiquement, il y a des chercheurs qui ont fait ça, et validée techniquement, c’est tout réalisable, il y a déjà plein d’expériences sur la planète qui ont montré que c’était réalisable. C’est validé économiquement, c’est passé sous les fourches caudines de compagnies d’assurance et d’économistes qui n’ont gardé là-dedans que les choses qui sont économiquement valides, et depuis Margaret Thatcher et Ronald Reagan, c’est aussi validé politiquement, car dans le GIEC il y a aussi des politiques qui disent si c’est acceptable ou non.
Donc à partir du moment où un territoire décide de prendre en main sa résilience alimentaire, il faut savoir que vous avez avec vous tout le monde scientifique, tout le monde technique, tout le monde économique et le monde politique, même si dans la politique, il y a toujours des gens qui disent oui, mais. Mais aujourd’hui, ce qu’on a montré, ce qu’on a vécu depuis Rio de Janeiro, c’est que le oui, mais, il ne vient ni du politique, ni de l’économique, ni du scientifique, il vient de NOUS, de notre incapacité à prendre notre propre destin en main. On attend que ce soit les autres qui fassent tout à notre place, et là, Hervé, il n’est pas content ! Dans mes pérégrinations depuis quelques années, j’ai choisi au début de trouver des solutions techniques, c’était mon job, c’était mon boulot. Et je me suis rendu compte qu’il y a déjà tout, c’est pas la peine de vouloir redémontrer l’eau chaude, on sait faire de l’eau chaude, on sait faire des territoires résilients sur le plan alimentaire. Par contre, sur la façon dont on s’y prend sur le terrain, tout en bas, à la base, eh bien là, il y a tout à faire, parce que, globalement, on ne l’a pas trop fait. Et puis surtout en France d’ailleurs, car dans tous les pays dits en voie de développement, ils ont souvent une très très grande longueur d’avance par rapport à nous, parce que, pour eux, c’est juste une question vitale.
Cuba
Je suis allé voir ce qui se passait par exemple à Cuba. Lorsque Cuba s’est retrouvé du jour au lendemain sans pétrole, parce qu’ils ont été lâchés après la chute du mur de Berlin par les Russes qui les soutenaient économiquement. Eh bien, il a fallu qu’ils se réorganisent. Cuba a 11 millions d’habitants, 102,7 hab./km² (99 en 1990), à comparer avec la France, 68 millions et 123,4 hab./km² (106 en 1990). Il y a plein de gens qui sont partis à ce moment-là, à cause de la guerre, de l’insécurité. Il y a des gens qui sont justement venus s’échouer en Guyane, et c’est à partir de là que j’ai rencontré mes premiers Cubains. En quelques années, non, en quelques semaines, il leur fallait de nouveau à manger. Et quand il n’y a plus rien à manger parce que les ports sont bloqués, qu’est-ce qu’on fait ? Eh bien, on ne va même pas planter des pommes de terre car c’est trop long à pousser, on fait pousser des salades, des radis, on sème des graines, 15 jours après, on les récolte. On commence par des choses comme ça, des choses toutes simples, des choses rapides. Et après les radis, on sème les pommes de terre et tout ça. Jamais on n’a planté un arbre, au début, on n’allait pas planter un manguier qui n’allait commencer à donner des fruits que 15 ans ou 20 ans après ! On a d’abord planté des légumes, des féculents. Avec les déchets, le tri des légumes, on a commencé à avoir de petits élevages, des poulets, des cochons. Il fallait aller vite pour nourrir les gens. Et au bout de 10 ans ils ont commencé à planter des arbres fruitiers, mais pas des manguiers, ils ont planté des arbres qui donnent très rapidement des fruits. Et puis après, quand ils ont eu plus d’assurance, ils ont planté des manguiers.
C’est comme si nous on commençait par planter des châtaigniers alors que ça donne que dans 25 ans. On va commencer par planter des petits fruitiers, parce qu’au bout de deux ans, ils donnent déjà, et ensuite on va planter des fruits à noyaux, des fruits d’été, des pêches, des abricots, parce que ça, ça donne au bout de 3 ans. Après on plante les fruits à pépins. Quand on est au Conservatoire, on a bien évidemment les techniques pour apprendre à tailler, et ça entre en production très vite, au bout de 3 ans, mais sinon cela ne donne qu’au bout de 5-6 ans. Après quand on a tout ça, on commence à planter les châtaigniers qui vont produire au bout de 15 ans, 20 ans. La réalité fait que la façon dont on passe d’un système à l’autre se fait uniquement par le bon sens et la nécessité d’avoir rapidement à manger. En 2017-2018, Cuba, sans énergie, ils n’avaient toujours pas de pétrole, ils ne pouvaient toujours pas mettre de gasoil dans un tracteur, ils étaient obligés de tout faire à la main, et pourtant, Cuba est redevenu excédentaire en production agricole, est redevenu exportateur de produits agricoles, sans pétrole !
Le maïs migre au nord de la France
Juste pour montrer que c’est possible, que nous, si un jour il y a de nouveau la guerre ou que l’insécurité règne, nous serons peut-être obligés de recommencer comme ça. Notre drame, c’est que tant que ça va bien, on ne va pas faire les choses, parce qu’il suffit d’aller faire les courses au supermarché, de remplir le caddie. Mais c’est le jour où ça va mal, ça on ne sait plus le faire, ce sera compliqué de réagir. Pour l’instant, ce serait tellement facile de commencer à se préparer à ces problématiques de demain. Pour le moment, on pense que tout le monde nous bassine avec ces histoires, mais si ça va mal, c’est juste qu’il va faire chaud, il va pleuvoir de façon différente, que nos cultures seront en difficulté. On a eu une rencontre avec l’association Ver de terre production et des gens du Gers, des grosses coopératives qui cultivent du maïs. Elles sont en train de délocaliser leur activité dans le nord de la France. Oui, le maïs, ce ne sera plus ici. Ici, dans le Gers, ce sera les olives, les amandes, des productions qu’il y a à Barcelone actuellement. Il n’y a pas de maïs à Barcelone. Donc les choses vont changer, les choses vont évoluer. Face à ça, les gens qui ont lu le deuxième rapport du GIEC savent déjà où aller produire.
Faire ses premiers pas
A titre d’exemple, l’Eldorado de l’agriculture à partir de 2040, vous savez où ce sera ? Ce sera l’Ukraine… Ah ! Je ne sais pas si tout est lié, mais moi, je pense que oui… Pour la France, ce sera le nord, au nord de Paris, de la Somme jusqu’aux départements du nord, le Pas-de-Calais, et ici, ça va changer aussi. Au Pays basque, il pleut bien, donc les choses auront une certaine résilience comme on dit, une certaine stabilité. Mais autour, comme les choses vont beaucoup changer, eh bien ça va faire que il y a du monde qui va venir taper à la porte, hein ? Et comment on s’organise pour ça ? Tant qu’on a encore un peu d’argent, un peu de moyen, des élus motivés, des tas de personnes qui ont envie d’expérimenter des choses, eh bien là il faut y aller, parce que du jour au lendemain ça va être compliqué. Les jeunes ont plus l’habitude de regarder sur Internet ce qui se passe que de le faire en vrai dans un jardin. Il y a des tas de gestes, des tas de choses à apprendre. Et au début, faire ensemble, justement, c’est une façon d’apprendre, d’expérimenter des choses et commencer à travailler juste sur les compétences, la formation. Et si, déjà, il y avait des petits noyaux, des petits endroits où les compétences augmentent dans la population, eh bien ça, c’est déjà le premier pas, le premier élément à essayer d’aborder pour commencer à réussir à produire l’autonomie. On commence par apprendre, et on apprend humblement, c’est les premiers pas tout ça, comme un gamin quand il apprend à marcher.
Aujourd’hui, il y a plein de gens impatients, qui voudraient que nous soyons déjà des pros de la résilience alimentaire, qu’on va tout faire, bien, avec des rendements économiques, avec tout ça. Mais, un gamin qui apprend à marcher, qui fait son premier pas, qui est tout hésitant, qui fait ses trois pas, et qui tombe sur son derrière, hein ? Qui c’est qui va engueuler un gamin pour lui dire qu’il n’est pas un marathonien ? Et pourtant, nous aujourd’hui, c’est un peu ce qu’on fait, souvent, avec tous les gens qui essaient, on entend oui, mais, économiquement, et puis tu rêves, c’est du n’importe quoi, et puis tu es un idéaliste, et c’est Covès qui l’a dit, pour Covès, la vie est belle, on commence à connaître, quoi ! Il y a plein de gens qui vont dire ça, mais ces premiers pas, ils sont tellement importants que, avant de faire des grandes choses il faut d’abord faire des premiers pas, et de là où on est, on peut tous faire quelques pas de plus. Faire ses premiers pas, et après apprendre de nouvelles choses, apprendre à greffer, à évaluer, à planter des tas d’arbres, des arbres fruitiers. Avez-vous pensé à la cerise du Pays basque ? Est-ce que les variétés d’aujourd’hui seront les mêmes dans 20 ans ? Où sont les conservatoires de variétés de cerises dans le Pays basque, dans lesquels il y aura les cerises de dans 20 ans, avec des variétés qui conviendront au nouveau climat ? Où sont les personnes qui vont expérimenter des variétés du Portugal ou d’Espagne ? Pendant ce temps-là, dans le nord, ils vont expérimenter les variétés basques ! Au Pays basque, on peut aussi monter en altitude, le chemin est plus court à faire, mais pour ceux qui sont en bas, dans la plaine, où sont ces nouvelles variétés ? Tout ça, ce sont des choses qu’il faut apprendre, qu’il faut évaluer, qu’il faut expérimenter. Des questions ? Effectivement, il y a ce travail de semer, et pas seulement des plantes agricoles, mais aussi des plantes sauvages qui ont dans leurs gènes une grosse capacité d’évolution.
Le hêtre
Je vais vous présenter quelques exemples de lieux que j’ai pu voir, de gens que j’ai pu rencontrer. Voici le cas très étudié du hêtre. Tout le monde est en train de nous expliquer que, à part en altitude, ou vraiment dans le nord et l’est de la France, il n’y aura plus de hêtre, les hêtres vont mourir. Je suis allé voir quatre hêtraies extraordinaires, celle de La Massane qui est au pied du Canigou, en zone méditerranéenne, un endroit où aujourd’hui il ne devrait plus y avoir de hêtraie, celle de la vallée de la Vis, tout près de Montpellier, celle de la Sainte Baume, tout près de Marseille, et celle du Ciron, tout près de Bordeaux. Elles sont toutes les quatre à des endroits où normalement il ne devrait déjà plus y avoir de hêtre, et pourtant ils sont merveilleux, ils sont de toute beauté. Donc ça veut dire que les plantes ont une grande capacité de s’adapter par elles-mêmes, pour peu qu’elles se reproduisent, et donc il ne faut pas négliger cette voie. Mais il y a plein de voies, celle du semis est importante, mais celle aussi de la migration des plantes d’un petit peu plus au sud qui viennent nous rejoindre ici, bien sûr toutes ces plantes invasives que l’on connaît par cœur, mais aussi toutes les autres, qui sont l’essentiel de celles qui bougent.
Le genévrier thurifère
Vous savez qu’il y a une grande migration qui est documentée depuis maintenant 5-6 ans, un colloque a été organisé par l’INRA et l’ONF, une immense migration du genévrier thurifère. Il est en train de franchir les Pyrénées. Il est parti de l’Atlas en Afrique du Nord et il est en train de passer les Pyrénées ! Il y a quelques populations relictuelles qui existaient d’avant la dernière glaciation, notamment dans les Alpes, et aujourd’hui, on ne sait pas trop comment, ce genévrier thurifère se diffuse et il y en a à peu près partout sur tout le territoire français. On a déjà des populations importantes, enfin, importantes, c’est-à-dire quelques centaines d’individus, mais tout petits parce qu’ils viennent d’arriver, qui sont en train de s’installer dans les Pyrénées. Un arbre merveilleux, c’est ce genévrier porte-encens, un des arbres qui a la plus grande longévité sur Terre, qui a un parfum extraordinaire, et il est en train d’arriver ! Donc, voilà ! Tout bouge, à notre insu même, la nature fait bouger des choses et nous aussi en fait on peut faire bouger des choses. La nature fait bouger l’écosystème naturel, et donc le vent, les animaux transportent ces choses-là, mais nous, est-ce qu’on est des terriens, est-ce qu’on habite la Terre ou non ?
Sommes-nous terriens ou extra-terrestres ?
La question, elle est là. Si on se regarde comme étant étranger à la nature, certains disent hors sol, moi je préfère dire extra-terrestre, eh bien nous, on ne va pas faire évoluer, on laisse la nature pour la nature et nous on va s’installer dans nos villes, ou dans des petits endroits où on habite entre nous, voilà, mais bien sûr on prend dans la nature uniquement ce qui nous intéresse, pour faire joli, parce que c’est quand même beau la nature, hein ? Mais si vous voulez vraiment être terriens, habiter la Terre, il faudrait qu’on transporte nos écosystèmes avec nous de la même façon qu’une palombe, quand elle va traverser les Pyrénées, au printemps, elle a mangé quelques graines, elle a mangé un petit peu de terre, parce qu’elles ont besoin d’un peu de terre, de petits cailloux pour broyer tout ce qu’elles ont dans leur gésier et quand elles viennent ici et qu’elles font leur petite fiente, et bien elles vont transporter un petit peu de la vie du sud. Et dans cette petite fiente, qu’est-ce qu’il y a ? Eh bien tous ces champignons, tout ce microbiote qui est indispensable au fonctionnement de la Terre, et qui permet à la Terre de s’adapter. La palombe transporte avec elle son écosystème, plus quelquefois des graines, et tout ce qui va lui permettre de bien vivre.
Et nous alors, qu’est-ce qu’on transporte ? On transporte les fruits et les légumes, quelquefois de très loin, de l’autre bout de la planète, mais quand est-ce qu’on va semer chez nous les graines du sud ? Non, quelquefois on les composte, parce qu’il ne faut pas que ça germe, mais on ne fait pas comme font les animaux. Donc ce sont des petits gestes tout simples quelquefois qu’il faut retrouver, bien sûr la reproduction des graines, celles qui vont émerger spontanément des écosystèmes en place, qui vont constamment essayer de s’adapter, et puis ce que nous pouvons apporter de nos écosystèmes, ce que le blaireau va pouvoir apporter de son écosystème, ce que la palombe va aussi apporter ici de son écosystème pour lui permettre d’évoluer, de lui permettre son adaptation. Si aujourd’hui le genévrier arrive de nouveau chez nous, eh bien il transporte avec lui certains des champignons microscopiques qui vont lui permettre de vivre dans une grande aridité. Oui, c’est assez merveilleux. A un tel point que, aux portes du désert, dans l’Atlas, tous les jardins, toutes les zones de culture sont toujours placés à côté de vieux genévriers thurifères, parce qu’ils ont une telle richesse de vie dans leurs racines que même les formes de culture au voisinage sont beaucoup plus faciles. On a tant à apprendre des pays du sud !
Questions-Réponses
– Q. Pourquoi n’y aurait-il plus de hêtraies au sud de la France ? – H.C. Ce sont des prédictions, qui n’émanent pas forcément de chercheurs, mais peut-être de gens qui aimeraient planter des conifères à la place des hêtres. Qui le dit ? Je ne sais pas trop. Parce que les chercheurs montrent justement des contre-exemples de persistance de hêtraies là où l’on ne pensait plus les trouver. En réalité, il y a des hêtraies, mais excessivement diversifiées, dans lesquelles on trouve aussi beaucoup d’autres essences d’arbres, elles ne répondent donc plus aux canons de ce que devrait être une hêtraie aujourd’hui et ne sont pas comptabilisées dedans. C’est parce que l’on ne veut pas faire évoluer nos techniques de culture, on continue à faire de la monoculture de hêtres, de pin des Landes, alors que cela va être de plus en plus difficile à être viable avec le changement climatique.
– Q. Le maïs, quand il a été introduit par les Espagnols, était différent. – H.C. Puis on a réussi avec la technique, avec le génie génétique, à le faire évoluer pour qu’il pousse dans des conditions pas du tout optimales, naturelles on va dire. C’est là le principe de l’agriculture. Prendre une pomme du Kazakhstan et pouvoir la cultiver partout sur la planète, alors que normalement elle ne devrait pas y pousser. L’art de l’agriculture, c’est justement de sortir les plantes de leur zone de confort pour arriver à les faire pousser dans d’autres situations. En fait, le maïs a aussi des possibilités d’évoluer par lui-même, le rapport du GIEC est assez éclairant là-dessus, parce qu’il chiffre et quantifie bien ce qui peut être du côté de l’amélioration de l’irrigation, de la gestion de l’eau, de l’amélioration génétique, etc. Par contre, il y a d’autres façons d’envisager sa culture qui pourrait lui laisser un avenir même dans nos régions. Avec la génétique, quand on se retrouve devant une impasse, on retourne aux sources, aux origines de la plante pour retrouver un génome plus riche.
– Q. Le hêtre n’est pas autochtone du Pays basque, il semblerait qu’il ait été apporté par les Romains : à l’inverse, il était issu d’une région chaude et il a été adapté à des régions plus froides. – H.C. Si on remonte dans l’histoire jusqu’à 60 000 ans, avant la dernière glaciation, quand il y avait encore des mammouths ici, quelles étaient les trois espèces d’arbres principales ? Aujourd’hui on dirait le chêne, le charme et le hêtre par exemple. A l’époque, c’était le Pterocarya, le Zelkova et le Liquidambar ! Ils n’existent plus ici ! Si, dans les parcs et jardins, parce que ce sont de beaux arbres, et qu’ils sont très adaptés à chez nous puisqu’ils poussaient déjà il y a 60 000 ans. Mais le paysage d’alors n’avait rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui. A chaque glaciation, la glace redescend, tout meurt et lorsque le climat se réchauffe, il y a plein d’autres choses qui arrivent. Il y a 15 000 ans, 12 000 ans, à la fin de la dernière glaciation, il y a ce qui est arrivé en même temps qu’Homo sapiens. On mangeait à l’époque les faînes, fruits des hêtres, les glands qui étaient un peu torréfiés – il y a des variétés de chênes à glands doux (comme le chêne vert) qui peuvent être mangés comme des châtaignes -. On ne les consomme pas parce qu’ils sont plus difficiles à nettoyer que les châtaignes. Donc tout évolue.
Et de la même façon le maïs chez nous – en Corrèze – était consommé sous le nom de milloc (polenta en italien): ce changement alimentaire remonte à si peu de temps qu’on a conservé le nom du millet alors qu’il s’agit de maïs. Demain, peut-être que ce seront des choses un petit peu plus exotiques, qu’on considère comme exotiques aujourd’hui. En Algérie, ils font des gâteaux de patate douce qui sont absolument délicieux et la patate douce se cultive de mieux en mieux chez nous. Cela va peut-être changer chez nous: à la place du maïs, on cultivera la patate douce demain ! Je fais très confiance au talent culinaire, surtout en France, pour arriver à adapter et faire des miracles avec tous ces produits qui vont arriver. Je me rappelle un restaurateur de Brive qui me disait pour les pommes de terre sarladaises – des patates avec des cèpes – que c’est à Oslo qu’on irait les manger bientôt ! Parce que les cèpes ils vont aussi se déplacer vers le nord.
Voilà, tous ces éléments, toutes ces évolutions, on sent qu’il y a plein de choses à faire, qu’il y a plein de choses qui doivent changer, et qu’il faut qu’on apprenne à le faire. C’est d’avoir la curiosité d’apprendre, et pour ça, d’avoir des terrains pour expérimenter tout ça, avec comme règle, c’est que tous ces terrains il faut qu’on les cultive ensemble, c’est qu’il s’agit d’apprendre. Là, il y en a qui savent parfaitement cultiver des arbres, mais qui ne savent pas du tout cultiver les arbres de demain. N’empêche qu’on a quand même besoin du savoir des gens qui savent déjà un petit peu pour avancer et on a besoin d’expérimenter des tas de choses et que les solutions de tout ce qui va se trouver pour ici et même, on pourrait dire, pour Biriatou, ce sera peut-être différent de la commune d’à côté, encore différent de la commune d’à côté. Tout le monde va expérimenter des choses, et après, tout ça, il faudra aussi que ce soit en réseau ou bien en lien, et apprendre les uns des autres pour qu’on s’adapte le plus facilement possible. Mais pour ça il faut vraiment augmenter en compétence et apprendre à cultiver des pommes de terre, des choses toutes simples, ou des radis, c’est juste de faire ça, c’est ça les premiers pas en fait.
La bio-vallée de la Drôme
Alors des exemples d’endroits où c’est étonnant. Alors, qu’est-ce qui fait qu’à un moment donné un territoire décide de changer ? Ces derniers temps, j’ai souvent traîné dans la Drôme, où j’ai un ami là-bas, Thierry Geffray, qui a été le fondateur de ce qu’on appelle la bio-vallée. A l’échelle de tout le bassin versant de la Drôme, à un moment où il n’y avait pas trop d’enjeu économique, parce qu’il n’y avait plus d’agriculteur et plein de terres qui étaient abandonnées, plein de gens sont venus s’installer là, sur ces terres qui s’étaient un peu libérées, avec l’idée de faire du bio. Le projet de la bio-vallée a commencé dans les années 90, et aujourd’hui, dans la haute vallée de la Drôme, c’est 60% de la surface agricole qui est en agriculture biologique, moins dans les zones plus près du Rhône. Il y a tout un élan qui s’est mis en place. Cet élan en fait s’est tout de suite reconnecté à la nécessité de la vente des produits bio, et quand on veut partir d’un territoire qui a un peu d’ampleur, comment est-ce qu’on fait pour trouver des débouchés ? Les premiers éléments, c’est avec les élus locaux, les cantines, les Ehpad, dans tous les endroits où il y a de l’alimentation collective, et ça c’est un truc qui a bien démarré maintenant en France, de commencer à faire du bio à partir de ça.
Il faut se rappeler qu’on part des années 70, 80 où les agriculteurs étaient très spécialisés, avec juste un petit nombre de productions et souvent une seule production, et donc là, il a fallu réfléchir à la diversification. Et c’est quand les gens ont commencé à réfléchir à la diversification entre agriculteurs que là sont apparues de nouvelles possibilités. En mettant en place toutes ces nouvelles façons de commercialiser, des coopératives, des petits magasins, des points de vente autour de l’agriculture biologique, c’est naturellement que les agriculteurs ont commencé à se lancer à faire plus de productions pour approvisionner les magasins tout simplement. Et aujourd’hui, c’est peut-être le territoire le plus ample en France sur lequel ils ne sont pas encore en autonomie complète, mais pas loin: au niveau principal de la production de viande, on n’y est pas tout à fait, pour les volailles, il leur en manque encore un petit peu, mais sur le bovin, ovin, porcin, ils sont à peu près autonomes sur le territoire. Au niveau du maraîchage et des petits fruits, la Drôme est une région où il est très facile de les produire, donc ils sont plus qu’autonomes et même excédentaires. Au niveau des céréales, ils ont relancé plein de productions en milieu plus aride et donc là ils ne sont pas encore tout à fait autonomes. Mais il y a tous les réseaux de boulangers qui font leur pain à partir de céréales locales: ils ont eu l’intelligence de ne pas limiter la démarche qu’aux agriculteurs. Au collège de la bio-vallée, bien sûr il y a le monde agricole, mais aussi tout le monde de la transformation agro-alimentaire, et il y a également tout le monde de l’entreprise, parce que, en fait, les questions d’écologie se posent pour les constructions, pour les transports, pour tout. Et donc ils ont décidé d’aider, d’apporter des soutiens financiers et des soutiens techniques en même temps, une formation auprès de toute la population et aujourd’hui, c’est un territoire qui mérite d’être visité, d’aller voir comment ça se passe.
Il y a des ombres et des lumières, comme tous les pionniers, ils ont essuyé des plâtres, ils ont eu des échecs, mais des échecs qui finalement leur ont énormément appris et souvent, ils sont heureux d’avoir subi ces échecs, car cela leur a permis justement de comprendre où aller, comment aller et que ce n’était pas si négatif. Dans un monde où on doit toujours essayer d’être les premiers, les échecs sont mal vus. C’est quelque chose qui m’a toujours étonné: la culture de l’échec. Quand vous êtes en France et que vous allez voir votre banque en disant voilà, je voudrais un peu de thune pour monter mon entreprise. Qu’est-ce que vous faisiez avant ? Eh bien j’avais une entreprise et elle a fondu les plombs. Ah, et avant ? Une autre entreprise qui a fondu les plombs. Allez trouver une banque qui vous finance ! Aucune. Faites la même chose en Amérique. Qu’est-ce que vous avez fait ? J’avais une entreprise qui a fondu les plombs. Et juste avant ? Une autre qui a fondu les plombs. Ah ! mais vous vivez toujours et vous en créez une troisième ? Mais vous savez comment faire dans une situation compliquée. Allez, on vous aide. La relation à l’échec est complètement différente. Mais nous, on est tellement obnubilé par cette idée qu’il faut être le premier de la classe qu’en fait on passe à côté de l’expérience qu’apportent justement ces échecs et qui sont valorisés dans certaines cultures alors que dans d’autres ils sont complètement dévalorisés. On est dans un pays où le Français est parfait, on veut atteindre la perfection, on veut même être plus que parfait. Vous savez conjuguer le plus que parfait ? C’est tellement dur à conjuguer !
La symbio-vallée de la Drôme
Aujourd’hui, ce territoire est en train d’évoluer, de devenir une symbio-vallée. C’est-à-dire qu’il y a tout un grand courant du monde agricole, du monde politique également, et quand je dis politique, il s’agit de toutes les structures qui aménagent le territoire, de faire avec la nature, en symbiose avec. Ne plus s’opposer constamment à elle, mais faire avec elle. Je voudrais juste donner l’exemple du GAEC de Montlahuc, fondé par Thierry. Il y a 12 ans il a cédé son GAEC à des jeunes. Ils étaient trois au départ. Et donc, année après année, à chaque fois qu’un nouvel associé intégrait le GAEC, à chaque fois ils ont créé une nouvelle activité. Au début c’était que des moutons, après ils ont diminué le nombre de moutons et ils ont commencé à faire quelques bovins, après ils ont fait quelques chèvres, après ils ont fait quelques chevaux. Là, maintenant ils sont dans la pépinière. A chaque fois qu’il y a une nouvelle personne qui arrive, il y a un nouveau projet. Et là où dans leur village il n’y avait plus que trois agriculteurs, aujourd’hui il y a sept familles, avec des enfants, et comme le village redevient vivant et sympa, il y a plein d’autres gens qui arrivent aussi pour s’installer dans ce village, si fait qu’aujourd’hui, l’école est toujours ouverte, il y a tout le temps de belles choses qui se passent là-bas.
Eux, ils ont débuté avec cette idée d’autonomie, car ils habitaient loin de tout le monde, loin de tout. C’est compliqué car c’est hyper-aride, cela n’a rien à voir avec le Pays basque. J’arrive aujourd’hui, on dit qu’il faut faire tomber la pluie et puis il pleut ! Là-bas, il ne pleut pas, c’est d’une immense aridité, et malgré ça, avec des techniques qui sont bien connues aujourd’hui, ils arrivent à gratter leur sol, à avoir des cultures, à faire du blé, du lait de chèvre, là où normalement, s’il n’y a pas d’eau, on ne peut pas faire de lait, ou à peine. Donc, juste montrer que c’est possible. Ces trois agriculteurs ont, en douze ans, changé complètement le territoire de cette commune qui est très grande, mais il n’y a qu’une quarantaine d’habitants, une cinquantaine. Il suffit qu’il y en ait trois qui se mettent en mouvement pour faire quelque chose, et ça ce sont les premiers pas. Et au début, tout le monde leur disait, c’est quoi ces jeunes, ils veulent faire de la permaculture, en plus, le Bec Hellouin, tout ça, ce sont encore de doux rêveurs, quoi. Et puis en fait ils ont fait la démonstration que c’était possible. Ils ont remis en culture ou en zone d’élevage 1100 hectares, et là où il y avait trois personnes qui vivaient, il y a maintenant tout un village qui vit et qui est, lui aussi, presque autonome.
En viande, ils sont plus qu’autonomes, ils sont à 1000 mètres d’altitude, donc c’est compliqué pour les légumes, ils ne perdent pas l’espoir aussi là-dessus, en tout cas ils plantent énormément d’arbres, des fruitiers, des arbres fourragers pour assurer des fourrages pour le bétail, ils expérimentent des tas de choses avec beaucoup de beauté en plus. Et ça, c’est un truc très important. On va faire une transition, mais, qu’est-ce qui va faire que les gens vont suivre ? Finalement aujourd’hui, on sait que, économiquement c’est ce qu’il faut faire, politiquement c’est ce qu’il faut faire, techniquement c’est ce qu’il faut faire, scientifiquement, c’est ce qu’il faut faire. Qu’est-ce qui va nous mettre tous en mouvement ? Peut-être juste le fait que ce soit beau, que ça donne envie. Revisiter ce qu’on appelle beau. La beauté c’est selon. La France est le pays qui a inventé le jardin à la française, il faut que ce soit propre, net, droit, bien rasé, bien taillé, tout ça. C’est super compliqué de laisser un gazon fleurir, par exemple. Si on veut des abeilles, il faut laisser le gazon fleurir, il ne faut plus couper le gazon. J’ai un copain qui est administrateur d’une association de protection de la nature, un amoureux des insectes, et dès qu’il part trois semaines en vacances, quand il revient chez lui le premier truc qu’il fait, c’est tondre sa pelouse ! Alors qu’il sait qu’il faut qu’il y ait des fleurs s’il veut voir un tas d’insectes chez lui et un tas de vie ! Il faut revisiter cette question de la beauté. C’est quoi le beau ? Il faut savoir aussi s’extasier quelquefois de quelques fleurs qui poussent à l’état sauvage au fond du jardin. Alors, on n’est pas obligé de laisser tout le jardin en friche, hein ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas voulu dire, mais on peut laisser une partie un peu plus en libre évolution, juste voir comment la nature s’y prend, ce qui se passe. « Un jardin propre est impropre à la vie ! »
Questions. – Pascal, association d’éducation et sensibilisation à l’environnement, un peu désabusé du peu d’effet de ces actions sur le public, des rares passages à l’acte dans le public. Qu’est-ce qui nous empêche de changer ? – H.C. Là, je mets un « mais », ce n’est pas un « mais » qui veut dire que je ne suis pas d’accord, il y a peut-être aussi une autre voie, quelque chose d’autre dont on n’a peut-être pas suffisamment conscience. On ne va pas abandonner. N’abandonnez pas ! Pas maintenant. Ce n’est pas le moment, même si c’est dur, même si plein de fois vous avez envie de pleurer, mais n’abandonnez pas dans cette épreuve ! Le deuxième élément, c’est qu’on n’est pas seul et on n’a pas encore bien pris conscience du fait que la nature, dans cette histoire, est notre partenaire. On n’a pas à s’opposer à elle, en elle, en elle, il y a plein de choses qui peuvent avancer. Voyez, depuis quelques années, là, quelques années, je suis très sensible à la nature. C’est une grosse partie de ma vie. Donc, quand je ne vais pas bien, je vais me balader en montagne, en forêt ou au bord de la mer. Cela fait du bien de se ressourcer comme ça.
Le crapaud sonneur à ventre jaune
Mais aujourd’hui, je vis en Corrèze, et je vois que dans tout le nord du Massif central, toutes les forêts sont en train de mourir. Et ça, c’est prédit: les forêts vont mourir, les hêtraies, tous les peuplements monospécifiques de Douglas, de sapin, même de sapin blanc qui poussait bien. Et tout ça, c’est en train de mourir. Et donc on voit des tas de choses s’effondrer. Je me suis installé en Corrèze pour deux raisons, même plus de deux raisons, mais du point de vue naturaliste, deux raisons. D’abord, parce que c’était un endroit aride et sec et que comme ça, je ne me ferais pas suer à tondre la pelouse trop souvent, ça pousse lentement. Je tonds la pelouse une fois, voire deux fois par an, car sur le Causse c’est presque désert, et pas avec une tondeuse parce qu’il y a trop de cailloux. La deuxième raison, c’est qu’il y avait une mare, avec des crapauds sonneurs à ventre jaune. Et ces petits crapauds, je les adore moi, avec la façon dont ils chantent, se mettent à vibrer ! Ils sont très protégés, rarissimes. Tout le monde connaît l’alite accoucheur, celui qui fait « toute, toute », tandis que le crapaud sonneur fait « tou-tou-tou-tou-touououout » ! Et quand il fait « touououout », comme ça, ça fait des ondes qui circulent à travers de la mare, de la petite flaque d’eau où il s’est installé. Ils sont tout petits, ils sont grands comme ça, ils sont très dociles, on peut les attraper, on peut même mettre sa main et ils viennent sauter dedans, et puis quand on veut se faire un peu méchant avec lui, il montre son ventre qui est tout jaune et ça, cela veut dire danger, donc les autres animaux ne l’embêtent pas.
Sauf qu’en 2003, avec la grosse canicule de 2003, ils sont tous morts. Et aujourd’hui, il n’y en a toujours pas. Au printemps, je vais écouter et depuis 2003 je n’en ai plus entendu. Par contre, plus en altitude, sur le plateau de Millevaches, là ils sont en train d’arriver. Eux aussi, ils migrent, ils vont se mettre plus au frais, un peu plus en hauteur. Donc sur ce territoire, plus d’une fois j’ai failli tout abandonner, plus d’une fois, je me suis dit je vais déménager, je vais foutre le camp, ce n’est pas là que je veux vivre, c’est trop compliqué. Et puis maintenant, il y a les moustiques tigres qui sont arrivés. Alors moi, mon truc, je me mets dehors et j’essaie de parler aux oiseaux. Et mon rêve, c’est que les oiseaux viennent se poser sur ma main, comme ça. Je leur fait tiit-tiit, je les connais bien, mais ça ne marche pas: ce sont les moustiques tigres qui viennent se poser sur ma main ! Je peux vous dire que eux ils m’aiment et j’arrive à communiquer avec eux, ils n’ont pas du tout peur de moi ! Quelquefois, c’est par dizaines, les boutons ne durent pas très longtemps, mais c’est assez phénoménal, et ils piquent n’importe quand dans la journée. Il n’y a plus de crapaud, c’est trop compliqué et en plus il y a les moustiques tigres ! Moi aussi, j’ai failli abandonner. Et cet automne, après les premières pluies, à la fin de l’été, le jardin est devenu complètement exubérant, mais d’une beauté comme rarement je l’avais vu avant. Cette exubérance, qui a aussi une odeur particulière, montre que nos écosystèmes sont en train de se métamorphoser, et que l’odeur qui émanait du jardin était une odeur que j’avais déjà rencontrée beaucoup plus au sud qui me parlait des vacances, qui me parlait d’exotisme. Et je n’avais jamais vu ça chez moi.
2 nouveaux écosystèmes
Je la sens très souvent dans la vallée de la Drôme, là où il y a les castors qui vivent. C’est extraordinaire comme les écosystèmes prennent une exubérance presque tropicale, alors que c’est dans des vallées sèches, l’eau se remet à couler, il y a plein d’arbres fruitiers, plein d’oiseaux, plein de vie qui émerge. Dans les zones les plus arides, en bordure de l’Essonne, près de la Beauce, des grandes plaines avec des cultures très industrielles, il y a des petites zones, des terrasses qui ont été abandonnées parce que le sol est trop superficiel. Donc dans l’Essonne on a vu dans un endroit d’une aridité extraordinaire naître un nouvel écosystème qu’on ne connaissait qu’en Turquie et dans le Caucase. Comment est-ce qu’il est arrivé ici ? Il s’est développé à tel point qu’il a même fallu créer deux nouvelles catégories dans la classification des écosystèmes de France, un document qui s’appelle Prodrome de la végétation française qui classe tous les écosystèmes, donc celui-ci, dans l’Essonne, et un autre qui est apparu spontanément dans les forêts qui ont été dévastées dans les Vosges, suite à la tempête de 1999. Et quand le bois mort était resté par terre, il y a de nouvelles forêts qui sont apparues, des forêts qu’on a en Italie, qui n’étaient pas décrites en France. Aujourd’hui, on voit des tas de choses apparaître.
Un verger pour les migrants
L’endroit où j’ai vu cette métamorphose de la façon la plus éclatante, c’est dans le nord de la France. Vous avez tous entendu parler de la jungle de Calais, des structures d’hébergement provisoire qui ont été installées, mais globalement il y a tout le temps autant de réfugiés, de migrants. Ces migrants, ils sont souvent anglophones, parce que quand ils étaient gamins, ils étaient dans un pays inclus dans le Commonwealth, et donc sous l’autorité de la reine. On leur a appris que l’Angleterre était leur mère-patrie et qu’à tout moment ils pouvaient y revenir et que jamais elle ne les abandonnerait. Et les gens, ils viennent pour ça, parce qu’on leur a dit, si vous avec mal, venez, on s’occupera de vous. Depuis que la zone a été détruite, – il fallait évacuer car c’était devenu complètement insalubre, il y avait trop de monde -, ce qui devait permettre d’accueillir les gens n’a pas suivi. Aujourd’hui, il y a plein de squats, plein de lieux comme ça et il y en un que j’accompagne, que je suis depuis déjà quelques années. Avec des jeunes de l’école d’architecture, on y a planté une forêt-jardin, avec plein d’arbres fruitiers, un écosystème dans lequel les gens pouvaient arriver, et même s’ils manquaient de tout, ils avaient des fruits à manger. On a réfléchi le lieu pour qu’ils aient à manger toute l’année, ou le plus possible en tout cas.
Notre lieu a eu tant de succès qu’il est vite devenu surpeuplé et l’an dernier, durant l’été 2022, lors de la grosse canicule, il y a un incendie qui s’est déclaré. Il y avait des jeunes qui avaient fait des tas de choses, qui avaient installé des toilettes sèches, – il n’y avait pas d’eau ni d’électricité sur le lieu -, les migrants avaient installé des tas de petites baraques, construit des tas de choses pour les premiers secours pour les gens qui arrivaient là. Donc tout a brûlé en été 2022, des gens sont très vite partis, des pompiers ont arrêté tranquillement le feu. Le feu ça nettoie tout. A Pâques, j’y suis retourné, juste avant Pâques, c’était le Carême, et là, il y avait tout le temps autant de monde. Les images les plus tristes, c’était des enfants qui jouaient dans leurs excréments, dans la boue, c’était encore l’hiver, c’était un gars qui était épuisé, qui dormait dans un congélateur qui était mis sur le côté, ce gars, astrophysicien, on va redonner un peu de noblesse, mais ça aurait pu être n’importe qui d’autre, c’est une femme qui vivait dans des cartons, là, qui avait le regard complètement vide, et là j’ai pleuré, parce que je me suis dit : qu’est-ce que tu racontes que la vie est belle, il faut que tu sois avec ces gens, il y a tellement de détresse à cet endroit.
Et sur ce grand terrain qui faisait six hectares, il n’y a qu’une partie qui n’avait pas brûlé, c’était notre forêt-jardin. Je m’en suis approché. Je me rappelle, j’avais planté des pêchers, plein de petits pêchers, et là, ils commençaient à sortir les boutons de fleurs, roses, et ils étaient à peine ouverts et ça sentait bon, un pêcher que m’avait donné Evelyne. Je me rappelle l’avoir planté et qu’il avait une floraison très odorante. Je regardais la terre, elle était noire, elle était belle, pleine d’humus, elle sentait bon le champignon. Avec toutes les petites graines qu’on avait semées, il y avait plein de choses qui commençaient à germer et là je me suis rendu compte que, si nous, si moi quelquefois je suis prêt à abandonner, la nature, elle, elle n’abandonne pas. Elle fait tout ce qu’elle peut pour apporter un peu de bien-être aux gens qui sont autour. Et nous on peut faire tout ce qu’on peut avec elle, en l’accompagnant comme on peut. Certes les gamins sont plus intéressés par leurs jeux vidéo, moi quand j’avais leur âge, je ne traînais pas dans le potager du grand-père. Quoi que… A douze ans je commençais à me passionner pour ça, j’étais un peu une rareté dans l’école. Et quand on est gamin on s’intéresse aussi à autre chose, mais pourtant, il faut continuer à semer des graines. Dans ces écosystèmes qui se métamorphosent, eh bien il y a des endroits où la métamorphose va se faire, et d’autres endroits où elle se fera différemment. Ce qu’on va faire va peut-être servir à rien, mais c’est pourtant le plus important. Pourquoi ?
La pyrale du buis et le rossignol
Vous avez été attaqués par la pyrale du buis, ici, cette chenille qui mange des buis ? Elle se régule déjà ici ou non ? Pas encore ? Cette pyrale, elle est arrivée et elle a très rapidement envahi toute l’Europe, parce qu’elle n’avait aucun prédateur connu, alors que presque tous les oiseaux peuvent la manger, mais, les oiseaux ne mangeaient pas les pyrales parce qu’ils ne savaient pas ce que c’était, tout simplement. Ils n’avaient pas mis ça dans leur régime alimentaire. Et un beau jour, il y a un petit rossignol, ce rossignol il chantait bien, je le provoquais avec ma petite flûte en faisant des trilles. Les rossignols ils aiment bien être dominants au niveau de leur chant, ils aiment bien en imposer un peu, et il y a certains sons qu’ils ne supportent pas. Si vous faites des petits trilles très aigus, ça les rend fous ! Et donc je provoquais mon rossignol en le rendant fou, comme ça, et puis il s’est tu, c’était le moment où il commençait à nidifier, puis les bébés sont arrivés, et dès qu’ils sont nés, il s’est remis à chanter, les bébés, il fallait qu’ils se débrouillent. Ils n’avaient pas été nourris par les pyrales du buis, pourtant il y en avait plein partout. Sauf que les petits, quand ils ont été sevrés, eh bien ils ont cherché, et ils ont trouvé une mine de pyrales du buis. Il y en avait plein partout. Ils les ont mangés. Ces petits rossignols, qui s’étaient nourris de pyrales du buis, où est-ce qu’ils vont passer l’hiver ?
Un rossignol, ça pèse 28 grammes, et ça parcourt 7000 kilomètres en migration, vous vous rendez compte de l’exploit ! Et donc il y a trois grands secteurs en Afrique où ils vont, mais il y a un des secteurs où s’élèvent de hautes montagnes qui se trouvent en Éthiopie, au pied desquelles il y a le Makhtana. Ce lac, là, c’est un grand reposoir pour les oiseaux migrateurs. En Éthiopie, il y a des buis, dans ces buis, il y a des pyrales. Les petits rossignols quand ils sont arrivés là-bas, ils ont cherché ce qu’ils connaissaient. Ils ont cherché les buis et ils ont mangé les pyrales qui étaient dessus. Bien sûr, là-bas, la pyrale est bien intégrée au système, ça fait 580 millions d’années qu’il n’y a pas eu de glaciation en Éthiopie. Bien avant les dinosaures ! Eh bien, là-bas, les pyrales ont aussi toute une série de maladies, nous on a connu le Covid, mais elles ont aussi des virus, des bactéries qui peuvent les toucher. Et quand on est un petit rossignol, la pyrale, elle se camoufle un petit peu pour ne pas se faire avoir, et quand elle est un petit peu malade, elle se camoufle un peu moins bien, elle est plus facile à attraper.
Et ces petits rossignols ils ont mangé ces pyrales un peu malades et quand au printemps suivant ils sont revenus chez nous, avec dans leur appareil digestif un petit peu de ces pyrales qu’ils avaient mangées, un peu de leurs bactéries, de leurs virus, qui les ont accompagnés, et lorsqu’ils ont fait leur petit caca chez nous, eh bien soudainement, les pyrales ont été atteintes de maladies étranges, ce qui fait qu’aujourd’hui, entre Hambourg et la Corrèze, elles sont en train de se déplacer tout doucement vers le sud, les pyrales ne sont plus un problème. Un petit rossignol a permis qu’elles s’intègrent au système, parce qu’il a transporté du sud quelque chose qui a permis sa régulation. Mais, ce petit rossignol qui est revenu de sa migration, c’était celui de mon jardin ? Celui du jardin de ma voisine ? Celui de quelqu’un qui habitait en Lorraine ? Si ça se trouve, il n’y a qu’un seul rossignol, sur les millions de rossignols qui sont revenus, il n’y en a qu’un seul qui a apporté la solution. Et à partir de là elle s’est diffusée. Même si ça ne marche pas, ça marche quand même ! Parce qu’il faut que ces choses qui ne marchent pas soient faites en grand nombre pour que ça arrive et que même un petit rossignol, tout seul, arrive à changer le cours du temps. Toutes ces petites choses en fait sont très importantes, parce que c’est comme ça que la nature apprend. Elle n’apprend pas en faisant des erreurs. Elle apprend en incitant ses enfants à ne jamais abandonner et à toujours persévérer. N’abandonnez pas…
Se reconnecter avec la nature
Voilà, la vie est belle. Depuis que j’ai ressenti qu’on n’était pas seuls, eh bien, ça m’a redonné confiance. Aujourd’hui, oui, qu’est-ce qu’on peut faire pour avoir un territoire résilient ? J’aurais tendance en premier lieu à inviter à se former, à persévérer, apprendre aux gamins et même aux adultes, à tout le monde, à faire des tas de choses et dans la diversité de ce que les gens pourront apprendre, certains trouveront leur voie et se passionneront. Ils feront bien plus que tous les autres rassemblés. Faire naître l’amour, la passion, la beauté, c’est ça qui est important. Cela, c’est ce qu’on peut faire, nous. Le deuxième truc à faire, c’est apprendre que la nature puisse apprendre et puisse apprendre de nous. Ou bien lui laisser des emplacements, des lieux, où elle puisse justement apprendre, où elle puisse accueillir un petit rossignol, un palmier, un petit crapaud sonneur à ventre jaune, quelqu’un qui viendra du sud et pourra apporter quelque chose qui peut-être nous aidera. Cela, la nature l’apprendra peut-être, ici, ou peut-être dans la commune d’à côté, ou peut-être encore à côté.
Il faut qu’il y ait beaucoup de gens qui le fassent, pour que la nature puisse apprendre, dans un jardin, dans une pelouse qui est aujourd’hui entretenue pour être un espace vert, mais qui pourrait devenir un lieu nourricier, puisque si le lieu est nourricier, certes, eh bien nous pourrons manger un petit peu, hein ? Et puis autour, des voisins diront: oui, il profite des biens municipaux ! Mais ceux qui vont surtout en profiter, ce sont les oiseaux, ce sont les crapauds, ce sont tous ceux qui sont avec nous. Si on ne prend pas soin d’eux en leur offrant aussi le gîte et le couvert, jamais la nature arrivera à les aider. Elle a besoin de savoir qui on est, ce que l’on aime, pour que cette pyrale du buis puisse venir, mais aussi tout ce qui va bien pour les abricots, tout ce qui va bien pour les pêches, tout ce qui va bien pour les cerisiers, tout ce qui va bien pour les moutons, tout ce qui va bien pour ce qui constitue notre écosystème.
Et autour de ce qu’on considère, nous, comme faisant partie de notre écosystème, qu’il puisse y avoir aussi tout un écosystème sauvage, qu’il y ait tout le temps ce lien entre la vie sauvage et notre vie, que notre vie puisse en permanence apprendre de la vie sauvage. Il n’y a rien de plus important qu’une zone humide, ou qu’un vieil arbre. Ces lieux-là aussi doivent être non seulement protégés, ça veut dire aussi qu’on apprenne à vivre avec, et qu’on vienne aussi planter auprès d’un vieil arbre quelques cerisiers, que la vie du vieil arbre puisse interférer avec notre vie, celle de nos cultures, de ce que l’on mange, de ce que l’on aime. Chaque habitant d’une commune pourrait avoir dans un verger communal un arbre qui est le sien, celui qu’il aime, ou qu’elle aime. Que dès le début il y ait quelque chose qui témoigne de ce que chacun de nous peut nouer. Ce n’est pas pour faire un truc d’une énorme productivité, qui sera parfaitement optimisé, au sens où on l’entend dans nos systèmes agricoles, non, c’est plutôt quelque chose qui soit parfaitement organisé pour que la nature puisse rejoindre, l’aimer. Voilà, elle est là l’efficacité, ce que l’on appelle la robustesse. La résilience, c’est quand on offre, quand on prend des bois qui permettent leur adaptation par eux-mêmes, on peut aussi concevoir un système pour qu’il soit directement robuste, ça veut dire adapté au changement, ça veut dire d’une immense diversité.
Et comment communiquer avec la nature ? En lui disant ce que l’on aime, en y plantant les arbres que l’on aime, en y semant les graines que l’on aime. Chaque habitant pourrait être invité à semer en été le noyau de la meilleure pêche qu’il aura mangée de tout l’été. Que ce noyau-là vienne rejoindre le jardin, la meilleure cerise, un truc où chacun puisse venir témoigner de quelque chose qu’il aime. Et ce jardin, comme ça, existera, mais il n’existera pas que comme nos propres productions, il existera comme un endroit de liens, de relations, qui témoignent de notre amour, de notre espoir que les humains et la nature peuvent vivre ensemble. Encore faut-il qu’ils apprennent à communiquer ensemble. C’est important d’effectuer cette reconnexion, que nous soyons moins extra-terrestre et que nous apprenions à rehabiter la Terre. Voilà, j’ai dit à peu près ce que je voulais dire. Si vous voulez un développement scientifique et complet de tout cela, lisez le 3ème et le 5ème chapitre du rapport du GIEC qui contient tout ce qu’il conviendrait de faire, et surtout, faites-le ! Ensemble ! Ce n’est pas une question d’âge. On peut bien sûr apprendre aux jeunes. Mais moi, je n’ai jamais planté autant d’arbres que depuis que j’ai les cheveux gris. Et il n’y en a aucun qui est pour moi, clairement ! Juste pour que naisse cet espoir-là. Voilà. La vie est belle.
Koridori: action à l’échelle d’une commune entière
Question. – Est-ce que tu pourrais parler de Vicq-sur-Breuilh ? C’est intéressant ce qu’il se passe là-bas. – H.C. C’est vrai, j’ai oublié Vicq, en plus j’étais venu pour ça ! A Vicq-sur-Breuilh, il y a une association qui s’appelle Koridori (site Internet koridori.org). C’est une association qui a pour vocation de reconstruire, de réactiver en tout cas, les grands corridors biologiques et notamment le grand corridor qui nous relie à l’Éthiopie. Homo sapiens est né en Éthiopie, tout ce qui forme un humain existe en Éthiopie, c’est là que la nature a formé l’humain, il y a tout ce qu’il faut pour lui, des champignons, des microbiotes (95% de la biodiversité), tout ce qu’il y a dans le sol. Il y a tout là-bas, sauf qu’il y a dix fois moins d’oiseaux pour faire les transferts qu’autrefois, donc les écosystèmes mettent dix fois plus de temps à s’adapter, alors que le climat se réchauffe de plus en plus vite. Vous comprenez qu’il y a une sorte de course contre la montre, là. Donc on a lancé Koridori pour ça et ça a eu un immense succès. C’est juste qu’il faut faire passer cette idée qu’il faut se remuer.
Et pour expérimenter nos idées, on a pris un espace, grâce à un concours de circonstances, par le biais d’une amie qui est maire de Vicq-sur-Breuilh, une petite commune près de Limoges, de quelques centaines d’habitants, avec une action sur tout son territoire. C’est en Limousin, donc il y a pas mal de forêts, donc tous les forestiers, tous les agriculteurs, tous les habitants – il y a 60 hameaux sur la commune – ont dit : qu’est-ce qu’on va faire pour qu’il y ait plus de vie, que tout soit mieux connecté ? On va donc essayer de mettre en œuvre ces idées de jardins partagés, de trames vertes, de trames bleues, d’essayer de comprendre en quoi c’est important et en même temps de répondre à un plein de contraintes. Les agriculteurs chez nous sont souvent éleveurs de vaches et en été il n’y a plus de foin, ils sont obligés de donner le fourrage d’hiver en été actuellement, parce que tout est sec. Donc on est en train de réfléchir à quoi planter, des arbres fourragers.
Autour de tous les petits hameaux, on a planté bien sûr des arbres fruitiers. C’est une immense collection qu’on avait récupérée au conservatoire d’Aquitaine à Montesquieu (Lot-et-Garonne), toute une collection d’arbres de secteurs un petit peu plus au sud qu’on a plantés là-bas. Cela a aussi été de faire des opérations avec les écoles, avec les gamins. Il y a un rassemblement de plusieurs communes pour obtenir quatre classes à Vicq-sur-Breuilh animées par des enseignants qui forment une équipe hyper-dynamique. Donc tous les gamins plantent leurs arbres et cet hiver ils vont continuer à le faire. Les gamins, quand ils sont petits, adorent planter des arbres. Il y a tout un programme pédagogique qui s’est développé autour, il y a plein de belles choses comme ça qui se font.
Parmi les agriculteurs, il y en a certains qui ont eu un peu de mal à évoluer. Mais ça s’est fait en grande confiance et à petite échelle. C’est ça qui est important en fait. Quand on se connaît, quand on a l’habitude de faire des choses ensemble, eh bien, les gens se disent qu’on va essayer de faire quelque chose dans cette voie-là. Quand la mayonnaise a commencé à prendre au niveau de toute la commune, eh bien tout le monde a essayé de faire quelque chose, – sauf ceux qui n’ont pas voté pour la liste ! -, mais ce n’est pas grave. Le fait qu’ils ne fassent pas n’empêche pas les autres de faire. Il y a eu beaucoup d’événements de création artistique, façon land-art, avec des artistes qui sont venus avec des enfants et des adultes faire des jolies choses. Il y a eu pas mal de rencontres quand même, – il y a beaucoup d’intellectuels en France, ils ont besoin de savoir, de connaître, comme la musique, hein-.
Les jardins, c’est comme la musique. On peut lire tous les manuels que l’on veut sur la façon de faire du piano, ce n’est pas pour autant qu’on va devenir pianiste, quoi ! A un moment donné, il faut jouer du piano. Eh bien avec la terre, c’est pareil: on peut lire tout ce que l’on veut, on peut même regarder sur Youtube les vidéos d’Hervé Coves, ça ne sert à rien, en fait ! Ce qui est vraiment important, c’est de travailler, mettre les mains dans la terre, avec les arbres, avec les plantes, avec les animaux. Il y a plein de gens dont c’est le job, de savoir faire ça et de transmettre justement tous ces gestes. Il faut le faire, c’est tout ! A petite échelle. C’est la seule échelle à laquelle ça marche. Et ça on le sait depuis Rio de Janeiro en 1992. Le désordre est global, mais la réponse ne peut être que locale, voire même individuelle. C’est ça qu’on peut faire.
Pour un début, vous êtes déjà beaucoup, là, parce que dans le village où j’habite, on n’est pas autant à se voir en réunion, on est dix ou douze à chaque fois. Chaque hiver on plante des arbres, chaque hiver on nettoie quelques mares, c’est-à-dire juste réouvrir quelques mares qui n’ont quelquefois pas été entretenues depuis 50 ans et qui ne sont plus des mares aujourd’hui. Je pense toujours à mes petits crapauds sonneurs à ventre jaune ! Voilà, moi j’ai mes crapauds dans le cœur, alors je pense beaucoup à eux, mais un autre il aura envie de sauver des libellules, un autre des oiseaux. Une de mes voisines, c’est des oiseaux qu’elle nourrit abondamment pendant tout l’hiver, et puis elle tend la main et les oiseaux viennent manger dedans, directement. Moi, c’est toujours les moustiques qui viennent ! A chacun son truc, quoi ! – Crapauds et libellules sont la solution à la prédation des moustiques ! –
Donc Vicq-sur-Breuilh, c’était très intéressant parce qu’on a essayé de faire ça à l’échelle d’une commune entière, alors qu’avant on ne touchait que des individus. Donc, il y a des trucs qui ont bien marché, il y a des trucs qui n’ont pas marché, mais ce n’est pas grave ! On essaie et cela ne veut pas dire que les trucs qui n’ont pas marché à Vicq-sur-Breuilh ne marcheront pas ici, et inversement ce qui a marché à Vicq-sur-Breuilh marchera ici. C’est juste se rendre compte qu’il y a plein de choses à faire et qu’en fait il n’y a pas de limite à notre propre créativité. Il y a d’autres communes où des choses se passent avec la même idée, des municipalités qui décident de planter des arbres, de remettre des fruitiers, de remettre des arbres dans la ville pour la climatiser, parce que les arbres ça climatise bien. On met des fruitiers: ah, mais il y a les guêpes, et il y a les frelons ! et puis qui est-ce qui va les manger ? il faut planter des trucs qui ne sont pas bons, parce que sinon il y a les autres qui vont les chiper ! Il y a plein de questions qui se posent, afin que finalement les gens apprennent à vivre ensemble, quoi !
Alsace
Quand j’étais gamin, j’étais en Alsace. Il y avait deux rangées d’arbres le long de toutes les routes. Chaque quartier du village de Kolbsheim avait sa route, donc, nous on était sur la route qui allait jusqu’à Breuschwickersheim, le village juste à côté. On avait une longue route. Et donc les fruits étaient récoltés, chaque maison avait ses fruitiers, les gens les avaient plantés, les entretenaient depuis tout le temps, mais tout ce qui était tombé par terre, on avait le droit de le ramasser. Et nous, quand on était gamins, on allait les ramasser et il y avait un gars qui faisait du jus de fruits en bas du village, on allait les lui vendre. Le samedi, on allait récolter les fruits et on le dépensait directement, le samedi soir on allait faire la fête, hein, avec l’argent des fruits ! En Alsace, il y avait ça partout, des arbres fruitiers qui étaient pour les gens, et on avait même le droit en étant gamins de les récolter pour aller les vendre. Pourquoi on a arrêté de faire ça ? C’était tellement plus facile qu’aller les acheter en grande surface, au supermarché ? Cela donne autant d’idées d’aller traîner dehors, d’aller sur le plateau du village à côté.
Il y a des jeunes qui se sont passionnés pour la gnôle. Je ne devrais pas le dire, il y a des personnes qui m’écoutent, mais, ils se sont fabriqués un alambic. Je peux vous dire qu’ils sont super-motivés pour aller récolter les fruits ! Mais c’est bien ! Il ne faut pas juger ! Cela crée un lien, ça fait des gens qui s’en occupent, et puis ils font une petite fête chaque année avec un concours de tartes avec les fruits. Il y a toujours plein de choses. Le vrai truc, c’est l’alambic, le faux truc, c’est la tarte ! Mais il y a quand même les deux. Il y a plein de façons différentes de se motiver, et ce qui va motiver quelqu’un à un endroit particulier, c’est aussi à vous de le découvrir. Il faut laisser faire toutes les initiatives, toutes les porter, c’est important que les gens puissent se réaliser. On n’est souvent trop directifs, dans pas mal de projets: il y a tous ceux qui savent, mais les jeunes ils en ont horreur. Eux, ils veulent essayer, ils ne veulent pas qu’on leur dise comment faire, ils veulent juste essayer. Donc, il faut trouver une espèce de juste façon d’agir. Être à côté, juste tisser des liens, expliquer, mais surtout pas faire à la place et après, souvent, je laisse faire, mais je repasse derrière, sans le leur dire ! C’est une autre façon de faire. Vous avez vu le film, il faut que vous le visualisiez, c’est Le jardin de mon grand-père, qui est merveilleux ? Le jeune, il fait de la permaculture, il fait des tomates sans arrosage ! Il dit à son grand-père: Ah, regarde, j’ai des belles tomates ! – Le gamin ne vient que le week-end chez son grand-père -. Et le grand-père répond: Espèce de couillon, s’il y a des grosses tomates, c’est que je les ai arrosées toute la semaine ! C’est ce film qui m’a ôté complètement toute culpabilité pour ce que je fais en douce. Voilà. Et après, quand ils sont en vacances, il y en a qui s’en occupent et puis c’est bon.
130 espèces d’arbres pour une forêt européenne
Question: – Comment faut-il entretenir les forêts ? – H.C. Globalement, les forêts qui fonctionnent bien aujourd’hui sont des forêts qui ont une grande diversité. En nombre d’essences forestières, c’est plus de trente espèces forestières, et non trois ou quatre comme on fait aujourd’hui. Entre 30 et 130 pour celles dans lesquelles on fait des suivis avec des choses intéressantes en Europe. En Asie, dans les forêts qui fonctionnent bien, elles ont quelquefois jusqu’à 1200 espèces d’arbres différentes. Mais on se dit, comment on va exploiter ça, c’est trop diversifié, on a besoin d’avoir des arbres triés par catégories, selon les usages, nous, on a souvent un seul usage. S’il fallait revoir la filière bois dans les Landes, il n’y a pas beaucoup d’usages du bois des Landes, tout est basé sur une seule espèce, avec un nombre d’usages très limité. Tant qu’on n’a pas les usines, les usages pour valoriser d’autres types de bois, eh bien on ne fait rien. Cela me rappelle mon petit-neveu qui ne voulait pas aller à l’école parce qu’il ne savait pas lire ! Eh bien là c’est pareil, on ne veut pas changer les forêts parce qu’on n’a pas les usines, les scieries pour les valoriser. Mais dans la pratique, ce n’est jamais comme ça que ça se passe. C’est parce qu’on commence à changer les choses qu’il y a de nouvelles usines, de nouvelles fabriques, de nouvelles scieries qui se mettent en place. L’offre a créé de nouveaux usages. Plus il y a de gens qui vont réfléchir à ça et plus ça génèrera une organisation qui réponde, en se concentrant le mieux possible sur les besoins du territoire. S’il y a des forêts sur la commune de Biriatou, naturelles ou linéaires, si on plante des arbres dans l’idée de refaire une charpente pour le bâtiment municipal, des aménagements, pour un usage de la communauté, c’est hyper important.
Je travaille aussi avec un certain nombre de monastères, et en fait on est parti au début de ça. Dans cent ans, il va falloir refaire la charpente, dans cinquante ans il va falloir refaire les planchers d’une partie des bâtiments parce qu’ils se dégradent. Quels arbres pour cela, lesquels pour la charpente ? Pour un monastère, il faut des grands arbres, de 120 ans, 150 ans, pour fournir des poutres de taille suffisante. Mais il faut planter au moins 30 arbres pour qu’il y en ait un qui fournisse une poutre qui convienne. Tout de suite, ça pose plein de questions, et après on essaie d’y répondre en y allant pas à pas. On ne va pas tout modifier tout de suite. Un des gros problèmes qu’on a aussi pour nos forêts, c’est la métamorphose d’une forêt en une autre. Normalement, il faut qu’il y ait quelque chose qui meure pour que quelque chose le remplace. Donc, quand une forêt meurt et qu’elle se décompose, c’est ce qu’on a vu arriver avec la tempête de 1999 dans les Vosges, dans les endroits où le bois était resté au sol, là, il y a quelque chose de nouveau qui est apparu, quelque chose qui est adapté au réchauffement. Alors que partout où ça avait été nettoyé, où on avait sorti tout le bois pour l’exploiter, eh bien là, il n’y a pas eu suffisamment de bois au sol pour qu’il y ait la métamorphose. Une métamorphose, ce n’est pas parce qu’on va apporter trois arbres identiques à ceux qui existaient il y a 60 000 ans que ça va marcher. A chaque fois, c’est des strates. Il faut qu’il y ait quelque chose qui meure pour que quelque chose repousse dessus. Et ça, c’est un élément dans l’optimisation de nos systèmes que l’on n’a pas rentré dedans parce que tout le bois doit être exploité. Si on voulait modifier la forêt des Landes – je prends cet exemple parce que ça m’a désespéré en venant -, il va falloir laisser mourir des arbres, et sans ces arbres-là, la forêt suivante ne pourra pas s’installer. Si à chaque fois on dessouche, on travaille le sol, on revoit le sable blanc qui remonte à la surface, il faut reprendre au moins vingt ans pour refaire un sol, et puis vingt ans pour refaire la couverture forestière et puis là ils exploitent déjà et remettent tout à zéro. Alors que cette couverture de forêt pionnière, en mourant, peut permettre à une nouvelle forêt de naître. Il faudrait commencer dans certains lieux de laisser la forêt émerger spontanément, mourir peut-être aussi, parce qu’elle doit mourir, puisque elle n’est plus adaptée, et là-dedans laisser naître la forêt de demain. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut plus rien faire dans toute la forêt. Mais il faut réfléchir à un nouvel aménagement du territoire. D’ailleurs on a une réunion samedi avec des forestiers dans les Landes justement pour parler de ces questions-là (Prosilva France, De l’eau et de l’avenir de la forêt landaise).
Palmiers, agrumes et oliviers
Question: – Quels végétaux du sud faut-il planter ? – H.C. Il y a un livre que j’aime beaucoup : il s’appelle L’encyclopédie horticole et il présente 18 000 plantes qui ont été expérimentées chez nous. Sur la planète, je crois qu’il existe 380 000 (73 000 ?) espèces d’arbres. En France, on en a moins de 500, dont 135 qui sont endémiques, qui sont de chez nous, toutes les autres viennent d’ailleurs. Ainsi, depuis 12 000 ans, à l’issue de la dernière glaciation, très peu d’espèces sont arrivées chez nous. Dans d’autres secteurs de la planète, il y a 380 millions d’années qu’il n’y a pas eu de glaciation, donc les forêts ont eu le temps de se diversifier. Et aujourd’hui en fait, il y a énormément d’espèces qui reviennent. Beaucoup sont déjà chère à notre cœur. Pour moi, la nature nous manipule. Pourquoi est-ce que tout le monde aime les agrumes ? Pourquoi est-ce que tout le monde aime les palmiers ? Pourquoi est-ce que tout le monde aime les oliviers ? Aujourd’hui, on ne voit que ça dans les jardineries. Donc ces trois plantes-là, les palmiers, les trachycarpus, notamment ceux dotés de systèmes excessivement capables de se faire du sol et de stocker de l’eau dans ces sols, les orangers, tous les agrumes, eux, sont capables de capter l’eau atmosphérique comme les cactus dans le désert, et de réinjecter cette eau dans le sol, et les oliviers, ils sont capables de se mettre à l’ombre et ils ont aussi cette faculté de capter le sol. Les oliviers, qui donnent de très vieux arbres sur le pourtour méditerranéen, possèdent un microbiote qui aide à l’émergence de nouvelles forêts. Et pourquoi est-ce qu’on les a dans le cœur déjà ? Ce n’est pas parce que c’est en vente en jardinerie ! Il y a quelque chose, une évolution qui a lieu et qui nous dépasse, je crois, complètement au niveau intellectuel. Il y a déjà des tas de choses qui sont inscrites en nous et qu’on suit. Les gens ont déjà des jardins méditerranéens chez eux, parce que ce sont ces plantes du sud qui vont venir.
Le Pays basque, bientôt la première région tropicale d’Europe
L’image des vacances typique représente des zones tropicales et, sans trop me tromper, je pourrais prédire que le Pays basque va devenir la première zone réellement tropicale d’Europe ! C’est déjà en train de se passer. Quand on voit qu’il y a des canas qui poussent à l’état sauvage dans les fossés, il y a déjà des plantes tropicales qui poussent et se sont déjà adaptées à ici. Plus la passion de tous les gens. Plus il y aura de plantes, plus il y aura de pluie. Certes, il pleut déjà beaucoup ici ces derniers jours, ici, c’est déjà bien équilibré, mais plus au nord, plus à l’est, ce n’est pas encore le cas. Et pourtant, c’est là dans des zones comme ici que peuvent naître encore mieux qu’ailleurs les premiers écosystèmes de demain. Ils émergent à toute petite échelle dans les endroits où la tempête a tout fait s’effondrer dans les Vosges, et puis ici ! Ici, c’est l’embryon, la matrice de tout ce qui va se propager en Europe. Donc la liste: 380 000 plantes ! Une grande diversité. Et vous avez plein de pépiniéristes passionnés qui font ça et même sans avoir de connaissance en botanique poussée, allez juste voir ces passionnés (pas ceux qui revendent des plantes industriellement produites aux Pays-Bas), allez voir tous ceux qui ont des beaux jardins botaniques, allez récupérer les graines sur les vieux arbres qu’il y a ici, dans la diversité de tout ce qui peut se voir, n’ayez pas peur d’aller vers plus de diversité. On avait commencé à faire une liste de tout ce qui peut s’adapter au changement climatique, elle est en ligne sur le site de Koridori, 1100 plantes, mais elle est écrite en latin, de façon à vous décourager. Mettez tout ce que vous aimez. Dites à la nature qui vous êtes, qu’est-ce que vous aimez, et elle fera tout ce qu’elle peut pour développer ce que vous aimez.
Autres conférences d’Hervé Coves sur youtube:
Les 7 cycles de l’eau (https://www.youtube.com/watch?v=ZhtQ89NzOjs)
Le carbone au cœur du vivant (https://www.youtube.com/watch?v=fxYDET_Ehfk)
Champignons et sols vivants (https://www.youtube.com/watch?v=-8GeCIQIJE4)