Cela fait l’objet de toutes les conversations et l’on s’interroge: comment se fait-il que les plantes arbustives ou herbacées soient encore si fleuries en cette fin d’automne ? Est-ce parce que nous y prêtons davantage attention ? Ou alors seulement la conséquence des irrégularités coutumières de la météo ? Ou bien encore s’agit-il d’une des (nombreuses) manifestations du changement climatique ? A ce questionnement bien naturel, nous répondons que le changement climatique se mesure à l’aune des décennies ou du siècle, alors que la météo d’un mois donné peut varier d’une année sur l’autre. Ce qu’il importe de mesurer, c’est la tendance générale du climat, dont on analyse les caractéristiques, les causes et leurs conséquences en examinant un large éventail d’indicateurs. Les études des scientifiques sur ce vaste sujet sont synthétisées dans les rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qui étudie ces phénomènes depuis plus de trente ans.
L’histoire originale du chou kale est rapportée sur le site de la Ferme de Sainte Marthe. Cultivé depuis longtemps sur le pourtour méditerranéen, il était consommé par les Romains, puis ce légume a figuré au menu des Européens jusqu’à la fin du Moyen-Age. Sa culture se poursuivit dans le nord de l’Europe (d’où son nom écossais « kale« , similaire aux noms germanique Kohl, néerlandais Kool, ou danois-norvégien kål, tous dérivés du grec coles ou du latin caulis). Au XVIIe siècle, le légume est importé en Amérique du Nord où il rencontre un vif succès. Depuis peu, cet engouement a retraversé l’Atlantique et il figure de nouveau en bonne place sur nos étals. Petite particularité à savoir: le goût de ses feuilles présente une légère amertume en été, alors qu’il est plus sucré en hiver (ce qui est pour la plante un moyen de lutter contre les grandes froidures, jusqu’à -15°C, en empêchant l’eau de geler dans ses cellules). Par ailleurs, du moment qu’on prélève successivement les feuilles extérieures en partant de la base, un « tronc » se forme et se dénude peu à peu, ce qui permet de cultiver d’autres plantes sur le pourtour, comme l’indique son nom américain « Palm tree kale » ou chou palmier.
C’est encore sur le site de la ferme de Sainte Marthe que l’on peut trouver des informations intéressantes sur le chou Daubenton dit « perpétuel ». On peut retenir qu’il faut récolter préférentiellement les jeunes feuilles, comestibles crues ou cuites, – les feuilles plus développées étant un peu coriaces -. Il peut se multiplier par bouturage. Son nom fait référence au premier directeur du Muséum d’Histoire Naturelle Louis Jean-Marie D’Aubenton (1716-1799), dit Daubenton (après la Révolution française), qui était médecin et naturaliste. Contemporain de Buffon avec lequel il a collaboré, il était également un scientifique de premier plan qui, parmi bien d’autres centres d’intérêt, a cherché à améliorer l’élevage et la qualité de la laine de mouton. Ainsi, comme ce chou vivace était surtout cultivé dans les champs comme chou fourrager pour nourrir le bétail, on lui a attribué le nom de ce savant en souvenir.
Si l’on cherche bien, il est encore possible de découvrir des fraises bien cachées dans le fouillis de feuilles. C’est en le faisant qu’on a découvert une intruse arrivée on ne sait comment dans le massif: une petite limace ! En réalité, il y en a même plusieurs, et pas n’importe où, sur un mets savoureux qu’elles apprécient tout autant que nous, les fraises ! Peut-être une ponte avait-elle été enfouie par une femelle dans la terre d’un godet chez le producteur de plants. Les fraisiers se propagent de façon dite « végétative » en émettant des stolons, sorte de tiges à l’extrémité desquelles poussent de nouveaux plants, qui devraient être parfaitement identiques au pied mère (des clones). Pourtant, on constate que souvent les fraises de ces descendants dégénèrent, elles sont plus petites et finissent par devenir semblables à celles des pieds sauvages, les fraises des bois. Pendant tout l’été, nous admirons leur dynamisme et leur propagation au-delà du bac dont ils recouvrent totalement le flanc et en viennent à avancer sur le passage dallé. Mais en soulevant cette masse végétale, Sonia s’aperçoit que des fraisiers se sont enracinés dans les interstices entre le bac et les carreaux ! Par mesure de précaution, le massif est taillé et désépaissi, des plants sont déménagés à l’étage où ils feront un joli couvre-sol pour l’hiver, à l’emplacement où poussaient les lentilles.
Un des aspects intéressants de la culture en jardin partagé, c’est celui de l’expérimentation. Pour gagner du temps, on a tendance à acheter et cuisiner toujours les mêmes légumes, ce qui a pour conséquence d’ignorer jusqu’à l’aspect même des plantes qui produisent des légumes peu consommés. C’est le cas des choux de Bruxelles. Savez-vous, par exemple, qu’il s’agit de bourgeons constitués de mini-feuilles accolées en une boule qui grossit sur la tige ? Les choux si variés que nous voyons sur nos étals proviennent tous d’une seule plante sauvage qui pousse encore sur nos côtes atlantiques européennes. La diversité de leurs formes et de leurs goûts provient du travail d’une kyrielle de jardiniers-paysans qui, au cours des siècles, ont sélectionné et hybridé des variétés de cette plante. L’histoire du chou de Bruxelles est représentative de l’évolution de ce légume. Au XVIIe siècle, poussés par la nécessité d’augmenter les rendements potagers pour nourrir une population bruxelloise de plus en plus nombreuse, les paysans belges installés à l’extérieur de l’enceinte de la ville ont créé un nouvel hybride dont la pousse en hauteur permettait de planter plus serré ces choux, et donc, d’obtenir une production plus importante pour une même surface cultivée…
Cette première année, c’est une période de test et d’expérimentation. Les carottes en sont un bel exemple. Leurs graines très petites ont été semées avec grand enthousiasme, mais bien trop serré, malgré les recommandations avisées de Sonia. Comme les pousses sont très délicates, puisqu’il s’agit de graines germées avec juste quelques centimètres de tiges et de racines, il est normalement déconseillé de les repiquer (les déterrer et les replanter plus espacées), ce qui toutefois a quand même été tenté, parfois avec succès. En ce premier parterre, les semis n’ont carrément pas pris, si ce n’est quelques retardataires. Qui plus est, répandues au sommet des buttes confectionnées pour avoir davantage de profondeur pour les racines, elles se sont retrouvées à la base lorsque la terre alourdie par les pluies a glissé sur les pentes. Forts de cette expérience, des semis plus aérés ont été effectués sur des surfaces bien planes, et le résultat ne s’est pas fait attendre, les carottes ont bien mieux prospéré !
Les (rares) personnes qui ont eu un comportement « possessif » à l’égard de certaines productions très prisées, mais peu abondantes, comme les melons, les dernières aubergines, la citrouille d’Halloween, ont été pointées du doigt par la collectivité des jardiniers-résidents et elles en ont conscience. Il est probable qu’elles s’en souviendront l’an prochain et que ces « couacs » viendront progressivement à s’atténuer, voire disparaître. La charte du jardin est toujours en instance. Affichée à l’entrée, elle permettra de bien mettre au clair les comportements à adopter par tous ceux qui fréquentent ces terrasses jardinées sur les toits.
L’un des apprentissages en cours est le respect de la biodiversité sauvage, animale et végétale dans le jardin. Les plantes sauvages qui poussent spontanément peuvent être des indicatrices de l’état du sol, leur présence peut être bénéfique aux plantes cultivées, soit par l’abri qu’elles procurent par rapport au vent, à la chaleur, aux intempéries, soit par leur symbiose avec des bactéries du sol (les rhizobiums) qui permet de fixer l’azote de l’air et synthétiser des nitrates naturellement, comme le trèfle ou la luzerne. Armelle, du jardin botanique de Saint Jean de Luz, nous conseille d’acquérir le livre « Sauvages de ma rue« , publié par le Muséum national d’histoire naturelle. Il comporte pour chacune des 240 espèces décrites une rubrique « Propriétés et usages » fort instructive. Ainsi, Armelle a reconnu la linaire commune (photo ci-dessous). Voici ce qu’on peut lire à son sujet. « On peut en tirer une teinture vert olive. Elle est parfois utilisée pour ses propriétés insecticides. Son nectar est prisé par les bourdons et les abeilles qui sont suffisamment lourds pour abaisser le pétale inférieur qui ferme l’accès au cœur de la fleur. Enfin, les fleurs sont diurétiques et émollientes. » – Les smartphones comportent aussi une aide à l’identification en photographiant la plante. –
Contrairement aux fraisiers, le maïs ne s’est pas multiplié de façon anarchique. Les quelques pieds ont toutefois réussi à produire de beaux épis dont on récupère les grains pour les semer au printemps prochain. Ils auront mémorisé les conditions climatiques et les caractéristiques du jardin (exposition aux éléments, soleil, pluie, vent, fréquence d’arrosage…), ainsi, ils devraient être encore plus résistants.
Le séneçon commun accompagne les humains dont il apprécie les champs, les jardins ou les bords de route. Toxique pour notre foie, il est consommé par les lapins et les oiseaux granivores comme les pigeons, les tourterelles et les moineaux. Quant au laiteron, sa tige produit un lait poisseux qui a inspiré le nom de cette famille. Comme le pissenlit, il se consomme en salade ou cuit, et il stimule l’élimination urinaire.
Comme la pomme de terre, la poire de terre, ou yacón, est originaire d’Amérique du Sud. C’est un proche parent du tournesol et du topinambour. Ses tubercules comestibles sont croquants et ils ont un goût sucré.
Surprise ! En frottant les feuilles de la tagète des décombres aux nombreux bouquets de fleurs fanées, les doigts s’imprègnent d’une odeur agréable. Cette plante sauvage, arrivée sans y voir été invitée, a des vertus précieuses. Originaire de la moitié sud de l’Amérique du Sud où elle est connue sous le nom de huacatay (du quechua wakatay), ses propriétés médicinales sont connues. Sous forme d’infusion, elle est utilisée pour traiter les infections respiratoires et gastriques. Elle sert de condiment dans des plats typiques de la cuisine péruvienne. Introduite dans le Roussillon, on l’y cultive pour en extraire une huile essentielle aux odeurs combinées de citronnelle, de pomme et de pamplemousse rose, pour la parfumerie. Elle aurait des propriétés antivirales et les thiophènes sécrétés par ses racines dans le sol aurait pour effet de repousser les nématodes… Une plante à préserver impérativement !